La loi du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille représente une avancée importante pour renforcer la protection des victimes dans notre pays. Le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés salue le consensus transpartisan dont cette loi a fait l'objet.
Rappelons que l'an dernier, 113 femmes ont été tuées en France par leur conjoint ou leur ex-conjoint et qu'au cours de la seule journée du 1er janvier 2022, trois féminicides ont été enregistrés. Cette triste nouvelle illustre la nécessité d'agir contre ces violences. Fidèle à son engagement dans la lutte contre les violences conjugales et intrafamiliales, notre groupe avait accueilli très favorablement la proposition de loi présentée en 2019. La lutte contre les violences faites aux femmes est au cœur des priorités de la majorité depuis le début de la législature ; en témoignent le Grenelle contre les violences conjugales qui s'est tenu à l'automne 2019 et la loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales.
Ces mesures doivent contribuer à un changement des mentalités dans notre société : il faut que nous soyons davantage sensibilisés à la question des violences conjugales car il est indispensable que les victimes puissent faire confiance aux institutions et qu'elles disposent d'interlocuteurs de proximité. Il s'agit là d'un objectif prioritaire car seulement 3 % des victimes de violences conjugales ont porté plainte en 2020. L'accessibilité des organismes de prise en charge des victimes, ainsi que la confiance de celles-ci dans nos institutions, restent donc des chantiers importants.
À ce titre, je salue les nombreuses initiatives locales qui sont prises, par exemple dans mon département du Pas-de-Calais, très touché par le phénomène des violences conjugales : les actions de sensibilisation s'y multiplient, par exemple en novembre dernier, en coopération avec le réseau de lutte contre les violences familiales et le réseau parentalité 62.
Ces actions sont conduites dans le contexte d'une crise sanitaire sans précédent, au cours de laquelle les violences au sein des familles se sont multipliées et intensifiées.
Selon la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF), plus de 44 000 appels ont été reçus par les services d'écoute des victimes pendant le premier confinement. Les violences conjugales ont augmenté de 10 % en 2020. D'après le ministère de l'intérieur, parmi les 160 000 victimes de ces violences en 2020, 87 % d'entre elles ont été des femmes. Ces constats soulignent la nécessité de mieux protéger les victimes.
Dans ce contexte, l'adoption des mesures réglementaires prévues par la loi du 28 décembre 2019 est une bonne nouvelle, en ce qu'elles permettent de rendre opérationnels les dispositifs qu'elle contient, destinés à réduire les violences conjugales et intrafamiliales.
La protection des victimes fait partie des objectifs premiers de cette loi. À ce titre, le bracelet antirapprochement figure parmi les mesures les plus importantes instaurées par le texte. Cet outil permet de vérifier le respect d'une interdiction de se rapprocher de la victime et répond aux demandes exprimées par des magistrats et des associations.
Cela étant, il sera nécessaire d'évaluer l'efficacité du bracelet antirapprochement s'agissant de la prévention des violences graves et eu égard aux attentes des victimes. Rappelons aussi la nécessité, pour les porteurs d'un BAR, de disposer d'un domicile, ce qui est rarement le cas.
La loi du 28 décembre 2019 prévoit également que le Gouvernement remette au Parlement, dans un délai de trois ans suivant sa promulgation, un rapport relatif à la possibilité donnée au juge de définir une distance minimale que le condamné aura à observer vis-à-vis de sa victime, le respect de cette interdiction s'effectuant à l'aide du bracelet antirapprochement. Dans le cadre de l'évaluation de cette loi, nous souhaitons savoir si l'élaboration de ce rapport a commencé et s'il existe de premières données permettant d'évaluer l'efficacité de ce nouvel outil.
La définition d'un délai de six jours pour la délivrance d'une ordonnance de protection par le juge aux affaires familiales constitue une deuxième disposition destinée à améliorer la protection des victimes. Il s'agit ici de prendre des mesures d'urgence afin de protéger la victime sans attendre sa décision de déposer une plainte, la définition d'un délai par la loi devant permettre d'accélérer les procédures.
Toutefois, dans un contexte d'intensification et de multiplication des violences au sein de la famille depuis le début de la crise sanitaire, se pose la question du respect de ces délais et de la capacité des institutions à répondre rapidement à un nombre grandissant de cas.
Troisièmement, le logement constitue un problème auquel sont confrontées de nombreuses victimes, contraintes de fuir leur conjoint violent. La loi a ainsi institué deux expérimentations destinées à faciliter l'accès des victimes au logement : une aide financière au relogement, et la possibilité pour les organismes d'habitations à loyer modéré de louer des logements à des organismes ayant vocation à les sous-louer à des victimes de violences conjugales ou intrafamiliales.
Dans l'attente de la présentation du rapport gouvernemental sur ces expérimentations, il serait utile à la représentation nationale de disposer des premiers éléments d'information sur leur instauration et l'usage qui en est fait par les victimes. Quitter son logement est un choix difficile : c'est pourquoi il convient de se poser la question de l'adaptation et de l'amélioration des dispositifs avant leur potentielle pérennisation.