Intervention de Karine Lebon

Séance en hémicycle du mardi 4 janvier 2022 à 21h30
Application de la loi visant à agir contre les violences au sein de la famille

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaKarine Lebon :

L'année 2022 commence à peine mais le compteur tragique des féminicides recense déjà trois victimes. Ces drames donnent à notre séance une gravité teintée d'inquiétude, puisque avec 113 femmes tuées par leur conjoint en 2021, les violences conjugales étaient déjà en recrudescence. En outre, depuis la publication en novembre d'un rapport de la Commission européenne, nous savons qu'il faut réviser à la hausse le chiffre terrible de plus d'une femme tuée par son conjoint tous les trois jours en France. En effet, cette statistique passe sous silence toutes celles qui, à force de violences psychologiques, sont poussées au suicide. En 2017, 209 femmes poussées à bout ont mis fin à leurs jours. Dans le combat que la France a engagé pour protéger les femmes au sein de leur couple, il faudra intégrer au plus vite cette nouvelle dimension.

La loi du 28 décembre 2019 a renforcé la lutte contre les violences conjugales, notamment en élargissant les conditions de délivrance des ordonnances de protection, qui doivent être prononcées dans un délai de six jours à compter de la fixation de la date d'audience. Inscrites dans le code civil, ces nouvelles dispositions protectrices constituent des avancées réelles, surtout depuis la création d'un comité spécifique au niveau national. En deux ans le nombre de demandes d'ordonnances a augmenté sensiblement, ainsi que le taux d'acceptation. Mais la démarche des victimes requiert toujours du courage et se heurte encore à des difficultés pratiques, liées par exemple au recueil des éléments de preuve. Le Comité national de l'ordonnance de protection a formulé huit préconisations pour que l'ordonnance soit mieux connue, davantage sollicitée et joue pleinement son rôle de premier rempart pour le maximum de femmes en danger.

La crise sanitaire et les confinements, qui ont aggravé et révélé l'ampleur des violences conjugales, ne peuvent qu'inciter à les suivre. Le huis clos imposé et la plus forte consommation d'alcool liée à l'inactivité et au stress ont constitué un mélange explosif très alarmant. Je remercie donc le groupe LR d'avoir inscrit cette question à l'ordre du jour.

Comme ils n'ont cessé de le faire depuis le début du quinquennat, les associations et collectifs féministes martèlent les mesures à adopter ou à développer. La formation des professionnels qui prennent en charge les femmes et recueillent leur parole est déterminante. Je pense aux forces de police et de gendarmerie, ainsi qu'aux magistrats et aux soignants. Les pouvoirs publics doivent porter la plus grande attention à leur sensibilisation, tant l'urgence, les circonstances et la nécessité de nouer un lien de confiance donnent à leur intervention un caractère toujours exceptionnel et à chaque fois crucial. À cet égard, le ministre de l'intérieur a annoncé la possibilité de déposer plainte hors les murs du commissariat ou de la gendarmerie : sera-t-elle généralisée ? Qu'en sera-t-il du regroupement en un lieu unique des différents interlocuteurs ?

La question de l'hébergement des victimes se pose également, surtout en présence d'enfants. Si l'éviction du conjoint violent reste la priorité, il faut pouvoir faciliter le relogement de la femme victime, lorsqu'elle le souhaite. Il faudrait développer et généraliser un partenariat avec les bailleurs sociaux afin de rendre ces femmes prioritaires pour l'attribution d'un toit.

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