Intervention de éric Dupond-Moretti

Séance en hémicycle du mardi 4 janvier 2022 à 21h30
Application de la loi visant à agir contre les violences au sein de la famille

éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice :

Je ne dis pas que c'est vous qui le dites, mais que ce n'est pas vrai. Tous les tribunaux disposent d'un stock de trois bracelets d'avance et, chaque fois qu'un bracelet est attribué, un autre est livré au tribunal dans un délai de vingt-quatre heures au maximum, ainsi qu'il est stipulé par contrat, de sorte que les juridictions ne sont jamais à court de bracelets. Le financement de ce dispositif sera pérennisé grâce à une mutualisation des coûts des autres mesures de surveillance électronique classique et fera l'objet d'une demande complémentaire dans le cadre de la prochaine programmation budgétaire pluriannuelle.

La loi du 28 décembre 2019 constitue également une avancée en matière de reconnaissance de l'impact des violences conjugales sur les enfants, en prévoyant notamment la possibilité pour le juge pénal de se prononcer sur l'autorité parentale en cas de poursuite ou de condamnation pour violences conjugales. Le rapport de la commission des lois sur la mise en application de cette loi le souligne, l'application de ces dispositions est un succès, les chiffres en témoignent. Alors que dix décisions ont été rendues en 2019 sur ce point, 453 l'ont été en 2021 – vous voulez des précisions, je vous les donne.

Là encore, nous avons souhaité aller plus loin : j'ai voulu que la reconnaissance du statut de victime soit garantie aux enfants exposés aux violences commises au sein du couple. Ainsi, le décret du 23 novembre 2021 prévoit que le procureur veille à ce qu'ils puissent se constituer partie civile au procès et procède, s'il en est besoin, à la désignation d'un administrateur ad hoc pour les représenter. Afin que l'exercice de l'autorité parentale ne constitue plus le moyen pour un parent violent de maintenir son emprise sur l'autre parent, le décret prévoit, en cas de plainte pour non-représentation d'enfant dans le contexte de violence conjugale, que les magistrats vérifient les allégations de violence avant de poursuivre le parent qui en serait effectivement victime et qui peut donc agir dans le sens de l'intérêt de l'enfant sans commettre d'infraction.

Une application téléchargeable permettant aux victimes d'obtenir des informations qui facilitent leurs démarches auprès des différents professionnels a été mise à disposition du public. Dès le mois de novembre 2020, le ministère de la justice a soutenu le lancement de l'application « Mémo de Vie » créée par France Victimes, notre partenaire privilégié, en la finançant à hauteur de 50 000 euros. Il s'agit d'un nouvel outil de protection, tel que vous l'avez souhaité, sous forme d'une application web gratuite, accessible sur téléphone, tablette ou ordinateur. Dans son espace personnalisé, la victime peut ainsi décrire les faits subis, conserver de manière sécurisée des documents, bénéficier d'informations fiables sur ses droits et avoir accès à tous les numéros d'urgence et d'accompagnement des victimes.

Mesdames et messieurs les députés, le décompte des féminicides n'a pas débuté sous ce quinquennat, et ce débat est trop important pour être l'otage de manipulations et d'instrumentalisations politiciennes, comme certains pourraient en avoir la tentation. Les faits et les chiffres – je vous en ai délivré beaucoup – sont têtus et éloquents. Il y en a un dernier que je voudrais vous soumettre de nouveau et qui doit tous nous pousser à trouver de bonnes réponses. Selon les données encore provisoires dont nous disposons pour l'année 2021, le passage à l'acte de l'auteur ayant été précédé par un signalement à la police ou à la justice représente 15 % des affaires seulement – si j'ose dire –, ce qui signifie implicitement, mais nécessairement, que plus de 80 % des affaires n'ont pas été signalées à la gendarmerie, à la police, aux services sociaux et, naturellement, à la justice. Notre combat, c'est aussi de faire remonter davantage la parole des victimes. Nous ne pouvons pas la prendre en compte si l'écho de cette parole ne nous parvient pas ; c'est une évidence. Voilà l'un des points sur lesquels nous devons encore travailler.

Dans le courrier recommandé qui m'a été adressé, vous indiquiez, monsieur Pradié, monsieur Abad, que vous vouliez un débat transparent – j'en accepte évidemment l'augure – et transpartisan. Après vous avoir entendus, cela me laisse songeur. Ce sont des sujets trop sérieux et trop importants pour être instrumentalisés. Enfin, personne ne pourra me dire, et dire à Marlène Schiappa, à Élisabeth Moreno, au chef du Gouvernement et au Président de la République, que nous n'avons pas été sensibles à la situation des femmes qui font l'objet de violences.

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