Si je vous comprends bien, vous nous demandez de vous aider à construire un argumentaire – c'est étonnant ! Sans revenir sur ce que vient de dire Emmanuelle Auriol, je peux vous soumettre deux pistes de réflexion.
La première est la nécessité de revenir à un but commun, qui doit nous réunir tous : la défense de la santé de nos concitoyens et de nos proches. On peut avoir des divergences sur la stratégie à adopter, mais on doit pouvoir s'accorder sur l'objectif d'une meilleure performance en matière de santé publique.
J'ajouterai que jusqu'à présent, nous avons abordé les problèmes de santé liés à l'addiction aux drogues illicites au moyen de deux instruments : la pénalisation et la médicalisation. Or je suis soignant – plus particulièrement psychologue clinicien – mais aussi secrétaire général adjoint de la Société française de santé publique (SFSP), et je peux dire à ce titre que la santé publique, ce n'est pas qu'une question médicale. Si l'on se contente de punir ou de soigner, on se prive ainsi de toutes sortes d'autres outils qui se situent entre ces deux démarches et qui sont ceux de l'éducation, de la prévention, de l'accompagnement psychosocial et du soutien aux familles – c'est le deuxième axe que nous devrions privilégier. Il faudrait mobiliser tous ces outils à l'aide d'une véritable politique de santé publique, qui ne soit ni médicale ni pénale. Cela permettrait probablement d'élargir le débat.
Enfin, pour faire le lien avec l'idée de transition et pour réfléchir à l'évolution du statut pénal du cannabis, je pense que si nous voulons être cohérents par rapport à l'objectif que nous nous fixons en matière de santé, mais aussi vis-à-vis du deuxième objectif que je viens d'exposer, qui vise à ce que la réponse ne se résume pas à punir ou à médicaliser, il faut envisager un troisième instrument : puisqu'il y a un marché du cannabis – je me tourne vers l'économiste ici présente –, autant le réguler en le confiant à des personnes qui seraient mandatées pour ce faire, y compris les forces de l'ordre – qui seraient chargées de contrôler cette régulation –, plutôt que de le laisser prendre la forme d'un marché noir qui a gangrené nos quartiers et notre République, et dont les effets, si nous n'y faisons pas attention, risquent d'être de plus en plus graves.
Cela posé, des divergences se feront certainement jour quant à la manière d'y parvenir, mais après tout, de telles divergences sont l'honneur d'une démocratie comme la nôtre.