Intervention de Bruno Laforestrie

Séance en hémicycle du jeudi 6 janvier 2022 à 15h00
Légalisation du cannabis : évolutions européennes blocages français

Bruno Laforestrie, directeur de Radio Mouv' :

Dans mon livre Hasch, la honte de la République, je ne parle pas une seule fois de légalisation. Car si depuis vingt ans, nous ne parvenons pas à débattre du sujet de manière constructive, c'est justement en raison de cette présentation binaire entre prohibition et légalisation. Parlons plutôt de transition.

La transition concerne d'abord le secteur agricole, dans tous les territoires. Les agriculteurs, dont le métier est de faire pousser des plantes, vous diront que le cannabis pousse en six mois et qu'il n'est pas difficile d'atteindre une production de 500 tonnes. En plus, cette plante absorbe du carbone, ce qui est très positif sur le plan écologique.

S'agissant ensuite de la transition du marché, nous pouvons la voir à l'œuvre au Canada : la part du marché noir y est tombée à 50 % du total, et l'objectif est de la réduire à 25 % dans cinq ans. Nul ne prétend qu'il n'y aura plus de marché noir, mais il est possible de le réduire ainsi que les problèmes afférents – sachant que la police consacre plus de 1 million d'heures par an à lutter contre ce marché.

J'en viens à la transition éducative. N'importe quel addictologue vous dira qu'il faut parler de cannabis et d'alcool à ses enfants dès leur plus jeune âge. Il faut leur dire qu'un jour, quand ils auront 13, 14, 15 ou 16 ans, quelqu'un leur proposera peut-être un joint. Il faut savoir aborder le sujet, comme avec l'alcool.

Chacun se réfère à ses enfants, mais faut savoir distinguer le jeune de 16 ans qui boit une bière lors d'une soirée de celui qui se retrouve aux urgences après avoir bu tout seul une bouteille de vodka. Ce n'est pas le même type de comportement.

Le binge drinking n'est pas la norme, mais il faut s'interroger sur ses causes. Un jeune qui s'y adonne est un malade psychiatrique. Or, tous les scientifiques le disent : la psychiatrie infantile est dans un état scandaleux ; les enfants ne sont pas traités sur le plan psychique. Il faut appliquer le « quoi qu'il en coûte », y dédier beaucoup de moyens pour qu'il y ait notamment des psychologues dans toutes les écoles, comme en Allemagne.

Après des mois et des années de débats, l'Allemagne, le pays le plus peuplé de l'Union européenne, a décidé d'opérer cette transition dans le domaine du cannabis. Elle va le faire de façon méthodique, en passant en revue tous les sujets pendant deux, trois ou quatre ans. Nous pourrons nous inspirer de ce pays situé à nos portes puisque nous comptons 300 000 frontaliers.

Ce sera le premier pays européen à s'engager dans cette voie, après certains États des États-Unis, des villes comme New York, Berlin et Londres qui vient de décider la dépénalisation pour les 18-24 ans. Songeons à l'Italie, à l'Espagne, à la Belgique, au Luxembourg… Dans un an, le paysage européen aura fortement évolué, et nous nous retrouverons à courir derrière le mouvement. Mieux vaut anticiper et planifier sur quelques années car, de mon point de vue, il ne s'agit pas de se contenter de dépénaliser et de refermer la porte, en disant : voilà, c'est fait.

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