Intervention de Jean-Paul Lecoq

Séance en hémicycle du jeudi 6 janvier 2022 à 15h00
Sahara occidental

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Lecoq, représentant du Front Polisario auprès de l'Union européenne :

Staffan de Mistura a été nommé envoyé personnel du secrétaire général des Nations unies dans un contexte particulier, marqué par la reprise de la guerre au Sahara occidental et par l'effondrement du processus de paix consécutif à la violation de l'accord de cessez-le-feu par le Maroc. Notre position est très claire : la désignation d'un envoyé personnel n'est pas un objectif en soi. Nous en avons d'ailleurs eu un grand nombre par le passé, ayant des profils remarquables, à l'instar de James Baker, ancien secrétaire d'État américain, ou de Horst Köhler, ancien président de la République fédérale d'Allemagne. Le problème n'a jamais été lié à la personnalité ou à la nomination d'un envoyé personnel : il tient au Conseil de sécurité lui-même.

Les précédents envoyés personnels ont fini par démissionner pour deux raisons principales : tout d'abord, la propension du Conseil de sécurité à se cacher derrière leur nomination pour se laver les mains ; ensuite, l'approche erronée et irresponsable – à laquelle la France participe – consistant à gérer le conflit plutôt qu'à chercher à le résoudre. Cette attitude est progressivement devenue synonyme d'une consolidation de l'occupation de notre territoire par le Maroc.

La réussite de la mission de l'envoyé personnel du secrétaire général dépend de l'attitude des membres du Conseil de sécurité de l'ONU, principalement de la France. Si le Conseil de sécurité change d'approche et prend conscience de la gravité de la situation qui prévaut au Sahara occidental, mais aussi dans l'ensemble du Maghreb, nous pourrons avancer. Le Conseil de sécurité doit s'investir en ce sens pour parvenir à résoudre le conflit. La solution est claire, et à sa portée ; elle réside dans l'un des seuls accords qui aient été signés entre les deux parties au conflit, le Royaume du Maroc et le Front Polisario : il s'agit du plan de règlement ONU-OUA (Organisation de l'unité africaine) de 1991, qui été adopté par le Conseil de sécurité, et qui découle d'une mission déployée au Sahara occidental.

Concernant la prétendue équidistance affichée par le Gouvernement français dans ses relations avec les deux parties au conflit, je peux témoigner, pour avoir été le représentant du Front Polisario à Paris entre 2016 et 2020, que le Quai d'Orsay a coupé tout contact avec le Front Polisario depuis avril 2017. Conscients de l'importance du rôle que peut jouer la France pour aider les parties à aboutir à une solution, nous avons essayé à plusieurs reprises de rétablir le contact, mais avons toujours trouvé porte close. C'est apparemment une décision assumée de la part du Quai d'Orsay. Je vois dans cette attitude le reflet du parti pris de la France en faveur du Maroc. Or, en mettant fin à ses relations avec une des parties au conflit, la France s'est elle-même exclue de toute possibilité de jouer un rôle dans sa résolution.

Immédiatement après ma nomination à Bruxelles, j'ai pris contact avec des responsables européens, en tant que représentant de la diplomatie sahraouie auprès de l'Union européenne. Je suis reçu régulièrement par les ministères des affaires étrangères de l'ensemble des capitales européennes, comme le sont mes collègues dans toutes les capitales du monde, y compris par des membres permanents du Conseil de sécurité. La France fait exception : c'est le reflet de son alignement sur la position marocaine.

La France fait partie du problème au Sahara occidental, même si nous avons l'espoir qu'elle commence à faire partie de la solution. Elle possède les atouts nécessaires, et doit contribuer à accompagner les parties vers une issue fondée sur le droit international, en particulier sur les deux seuls accords qu'ont signés les protagonistes à ce jour : le plan de règlement ONU-OUA de 1991 et l'accord de Houston de 1997. Nous ne perdons pas espoir. La guerre ayant repris au Sahara occidental, et la région étant sous tension, la France est appelée à réviser sa position pour envisager sérieusement de faire partie de la solution plutôt que du problème.

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