Intervention de Jean-Baptiste Lemoyne

Séance en hémicycle du jeudi 6 janvier 2022 à 15h00
Sahara occidental

Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie, et auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes... :

Je vous remercie pour votre invitation à débattre du Sahara occidental dans le cadre d'un échange entre les membres du Gouvernement et la représentation nationale – exercice distinct de la table ronde que vous venez de tenir et qui a eu lieu sans représentation gouvernementale.

La France a toujours été naturellement très attentive à la situation sur le terrain et aux perspectives de résolution d'un conflit qui dure depuis plusieurs décennies. Elle l'est d'autant plus aujourd'hui que nous constatons un regain de tension très préoccupant entre les parties prenantes.

Avant d'en venir en détail sur le cas du Sahara occidental, je voudrais vous redire l'attachement de la France au respect du droit international. C'est une priorité constante de la diplomatie française, parce qu'il est dans notre intérêt de promouvoir un cadre multilatéral fondé sur des règles mutuellement agréées qui permettent d'assurer un règlement pacifique des différends. Cet engagement en faveur du respect du droit international se traduit par des actes concrets.

Tout d'abord, la France s'attache à rappeler le droit international dans toutes les enceintes multilatérales lorsque celui-ci est remis en cause. On le fait au Conseil de sécurité des Nations unies, eu égard à notre responsabilité particulière en tant que membre permanent, on le fait également à l'Assemblée générale des Nations unies comme au Conseil des droits de l'homme, dont la France est membre élu jusqu'en 2023. La France s'engage aussi dans un certain nombre d'initiatives spécifiques qui nous fournissent des leviers d'action pour faire respecter le droit international. Si je prends, par exemple, le cas du conflit israélo-palestinien, la France, l'Allemagne, l'Égypte et la Jordanie sont mobilisés au sein du groupe d'Amman que vous devez bien connaître, qui vise à rappeler les paramètres agréés internationalement pour la résolution du conflit et à identifier les petits pas possibles afin qu'Israéliens et Palestiniens renouent le dialogue. Le groupe s'est d'ailleurs réuni au printemps 2021.

À côté de notre action dans les enceintes internationales et des initiatives que nous prenons avec différents États, nous avons d'autres leviers quand la situation l'exige, notamment l'outil des sanctions. C'est valable au niveau du Conseil de sécurité comme au niveau de l'Union européenne. Vous le savez, nous l'avons mis en œuvre, par exemple, contre la Russie en 2014, en réaction à l'annexion illégale de la Crimée.

En cohérence avec cette position de principe, la France est attachée au plein respect du droit international dans le conflit au Sahara occidental. Nous soutenons donc très clairement la recherche d'une solution politique qui soit juste, durable et mutuellement acceptable, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies. La résolution de ce conflit est importante pour nous pour plusieurs raisons. Tout d'abord, les tensions qu'il produit représentent des facteurs d'instabilité dans notre voisinage direct. On l'a vu à l'automne 2020 et encore récemment, au début du mois de novembre 2021 : des incidents sont susceptibles d'engendrer une dégradation brutale de la situation, ce qui n'est dans l'intérêt de personne. Ensuite, ce conflit alimente des tensions au niveau régional, tout particulièrement pour deux partenaires essentiels de la France, le Maroc et l'Algérie. Comme on le voit depuis des décennies, ces tensions représentent un obstacle majeur à la stabilité et à l'intégration politique, économique et commerciale du Maghreb. Je ne vous fais pas un dessin d'un certain nombre d'initiatives qui sont désormais lointaines.

Pour parvenir à esquisser une perspective de résolution du conflit, nous disposons d'un cadre juridique bien connu. Comme vous le savez, le Sahara occidental est inscrit depuis 1963 sur la liste des territoires non autonomes établie par l'Assemblée générale de l'ONU sur la base de l'article 73 de la Charte des Nations unies. En 1990, le Conseil de sécurité des Nations unies a lui-même approuvé un plan de règlement du conflit par la résolution 658. C'est d'ailleurs un an plus tard qu'a été créée la mission des Nations unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental, dont le mandat est régulièrement prolongé par le Conseil de sécurité – il l'a été récemment, le 30 octobre 2021. Le rôle de cette mission des Nations unies est vraiment primordial pour le respect des accords de cessez-le-feu et pour la stabilité de la région ; elle contribue également à créer les conditions nécessaires à la reprise du processus politique.

Les différentes résolutions – celle de 1988, celle de 1990 et celle d'octobre 2021 reconduisant la MINURSO – indiquent clairement les paramètres de résolution du conflit et la France, comme l'Union européenne, se conforme au cadre juridique qui est ainsi posé. Nous réaffirmons de façon constante notre attachement au règlement du différend au Sahara occidental, et nous soutenons pleinement les efforts accomplis par le secrétaire général des Nations unies et son envoyé personnel, Staffan de Mistura, en vue d'aider les parties à parvenir à une solution politique qui soit juste, durable et mutuellement acceptable.

Dans ce cadre, la France et l'Union européenne veillent à ce que les relations avec le Maroc s'inscrivent pleinement dans le cadre du droit international et du droit européen tels qu'interprétés par les juridictions compétentes. C'est la raison pour laquelle l'UE et le Maroc ont renégocié deux accords internationaux qui les liaient, à savoir, d'une part, le volet commercial de leur accord d'association, d'autre part, leur accord de pêche, pour tirer les conséquences des arrêts rendus par la CJUE en 2016 et en 2018 et préciser, ainsi, le cadre et les conditions d'application de ces accords au Sahara occidental ou aux produits qui en sont originaires. Conformément aux arrêts de la cour, ces nouveaux accords considèrent le Sahara occidental comme un territoire distinct du royaume du Maroc.

Comme vous le savez, dans deux arrêts rendus le 29 septembre dernier, le tribunal de l'Union européenne a, en première instance, annulé les décisions du Conseil de l'Union européenne autorisant la conclusion de ces accords. Toutefois, un pourvoi a été formé devant la Cour de justice, qui devra se prononcer de façon définitive sur cette question. Pendant la durée de cette procédure, les accords restent pleinement en vigueur. La France est convaincue que ces textes respectent le droit international et européen, qu'ils sont conformes au principe fondamental de la primauté des intérêts des habitants des territoires non autonomes, ainsi qu'à l'obligation de favoriser leur prospérité. Nous allons d'ailleurs nous attacher à faire valoir ce point de vue auprès de la Cour de justice – dont, bien évidemment, nous respecterons scrupuleusement la décision finale.

Au-delà de ces aspects juridiques essentiels, la France joue aussi un rôle actif sur le plan politique pour appeler les différentes parties prenantes à favoriser l'apaisement et la préservation du cessez-le-feu, et est pleinement engagée dans le processus politique, notamment par le soutien total qu'elle apporte à l'action du nouvel envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies. J'estime que la nomination de Staffan de Mistura, qui a pris officiellement ses fonctions début novembre, doit permettre de relancer un processus politique conforme aux résolutions du Conseil de sécurité. La France considère que le plan d'autonomie présenté par le Maroc en 2007 – je ne vais pas refaire tout l'historique, mais chacun se souvient des plans Baker I et II – constitue une base sérieuse, crédible de discussion pour la reprise du dialogue en vue d'une solution négociée.

Enfin, au-delà de la question strictement politique, il y a la question du respect des droits de l'homme et des réfugiés sahraouis – une question revêtant elle aussi un aspect politique, j'en conviens. Il est très clair que le respect du droit international, la défense, la promotion des droits de l'homme constituent une priorité de notre action diplomatique dans cette région comme partout dans le monde. Nous suivons attentivement le respect des droits de l'homme dans le monde entier, dans le respect de la souveraineté des États concernés, mais en maintenant avec ces États un dialogue dense, souvent intense. La France entretient ainsi un dialogue étroit, régulier et de confiance avec les autorités marocaines.

La question du Sahara occidental est également suivie au Conseil des droits de l'homme et, aux côtés de ses partenaires, la France appelle tous les États, y compris le Maroc, à respecter les engagements internationaux en matière de droits de l'homme – des engagements qu'ils ont d'ailleurs librement souscrits.

Sur la dimension humanitaire, je veux dire que notre ambassade en Algérie entretient un dialogue régulier avec les autorités algériennes sur la question des camps de réfugiés près de Tindouf. Elle effectue régulièrement des visites au sein de ces camps et y soutient l'action du HCR, notamment sur le plan financier. En 2021, nous avons ainsi versé une contribution de 250 000 euros, et nous contribuons également aux activités humanitaires du Programme alimentaire mondial (PAM) à Tindouf, en faveur de projets pour l'alimentation scolaire.

Je redis ici l'engagement déterminé de la France à faire prévaloir le droit international partout dans le monde, y compris au Sahara occidental. La France continuera de soutenir activement un processus en vue d'aboutir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies. Elle restera naturellement en contact étroit avec les partenaires régionaux pour favoriser la désescalade et la reprise du processus politique, et nous continuerons de nous montrer actifs au Conseil de sécurité et de soutenir les efforts des Nations unies. Tels sont les éléments que je souhaitais porter à la connaissance de votre assemblée en ouverture de ce débat.

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