Intervention de Jean-Luc Mélenchon

Séance en hémicycle du jeudi 6 janvier 2022 à 15h00
Avenir institutionnel et politique de la nouvelle-calédonie

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Mélenchon :

C'est peu que cinq minutes dans une séquence de trente-six années qui m'ont impliqué dans chacun des débats parlementaires sur le destin de la Nouvelle-Calédonie, pour la modeste part qui était celle d'un parlementaire et d'un Français qui aime sa patrie et ne l'aime jamais tant que lorsqu'elle est au pinacle des valeurs qui la constituent.

La situation de la Nouvelle-Calédonie est de nouveau dans un moment de difficulté et rien ne serait pire que de nier cette difficulté, mais rien ne serait pire également que de l'aborder avec un formalisme qui consisterait à dire, comme on le dirait pour une élection municipale ou régionale sur le territoire de l'Hexagone : « Peu importe qu'il n'y ait eu que 30 % de votants, un vote est un vote et chacun n'avait qu'à donner son avis par ce biais. » Non, parce que la Nouvelle-Calédonie, depuis l'accord de Nouméa, la France, la République française, le gouvernement français et tous ceux qui se sont succédé depuis, ont reconnu un fait inouï, unique sur tout le territoire de la République aujourd'hui, c'est qu'il y avait là-bas une situation coloniale et que, par conséquent, il y avait au moins deux peuples. Cela n'existe nulle part ailleurs sur le territoire de la République en conformité avec les principes philosophiques qui nous animent, nous autres républicains français, qui veulent qu'on ne distingue pas d'autre peuple que celui qui est constitué par la communauté légale. Cela a été notre état d'esprit ces derniers siècles.

Nous le savons, nous avons buté sur des difficultés que cette formule n'a pas permis d'affronter correctement, puisque la décolonisation a signifié partout la constitution d'États nations séparés, distincts et indépendants de la France. Cette histoire est écrite, mais peut-être pouvons-nous faire mieux. Peut-être pourrions-nous même tirer de la difficulté dans laquelle se trouve aujourd'hui la Nouvelle-Calédonie des enseignements et des méthodes qui vaudraient pour les autres territoires éloignés ou marqués par l'histoire néocoloniale qui constitue la réalité française aujourd'hui.

Nous pouvons aussi trouver des enseignements dans les propos que vous venez de tenir, monsieur Gomès, dans lesquels je mesure l'évolution de la partie non indépendantiste de la Nouvelle-Calédonie au cours des quarante dernières années. Avant vous, on ne parlait pas comme cela. J'ai entendu votre état d'esprit très ouvert et votre disponibilité pour une réflexion sur la manière d'avancer. L'État unitaire n'existe plus en France – c'est dur à dire et à entendre : la Polynésie française a un gouvernement, le territoire de la Nouvelle-Calédonie a un congrès, la Martinique n'a qu'une assemblée, la Guadeloupe en a deux, la Guyane en a une et la Corse a une collectivité spécifique. Les problèmes de la Corse pourraient d'ailleurs être analysés à partir des enseignements que nous tirerons des difficultés de la Nouvelle-Calédonie.

Tout en constatant les difficultés, je veux dire que je me sens concerné, impliqué et directement interpellé par l'issue qui sera donnée à la situation de ma Nouvelle-Calédonie, dans le cadre calédonien et dans le cadre national. S'il y a colonisation, s'il y a plusieurs peuples, si le processus des accords de Matignon tend vers la décolonisation, si un droit à l'autodétermination a été reconnu au corps électoral local, s'il existe une autorité politique constituée sur ce territoire, le Congrès, alors rien ne doit être pensé en dehors du texte de l'accord de Nouméa et de son esprit de conciliation.

Dès lors que la partie indépendantiste déclare que le résultat du référendum est « nul et non avenu » et qu'elle engage même une démarche auprès des autorités légales de la République pour revenir sur ce résultat, nous sommes dans l'obligation de considérer que les accords de Matignon n'ont pas fini leur travail – je dis bien les accords de Matignon. Puisque la partie indépendantiste dit qu'elle ne discutera de rien jusqu'à l'issue de la prochaine élection présidentielle, nous devons, premièrement, l'entendre et ne chercher à ne rien brutaliser ou précipiter, et, deuxièmement, ouvrir cette discussion dans un état d'esprit ouvert et, s'il le faut même, dans l'esprit de l'accord de Nouméa, jusqu'à imaginer que l'on reconduise pour dix ans la situation prévue par ce texte. Nous devons tout faire, en somme, pour éviter la confrontation. Comme vous l'avez si bien dit, cher collègue Philippe Gomès, il faut se garder de l'illusion que l'un aurait absolument raison contre l'autre. C'est ainsi, en tout cas, que je vois les choses.

La prochaine présidence devra prendre acte du blocage, formuler une nouvelle proposition, la soumettre au vote des Calédoniens et, en cas d'acceptation, reconduire l'accord de Nouméa pour un nouveau cycle décennal. Si un nouveau statut devait être discuté, il faudrait alors considérer que celui qui est en place ne changerait pas tant que le nouveau statut n'aurait pas été accepté par toutes les parties – soit ma première proposition –, sauf si un nouveau cadre était défini par l'ensemble des territoires éloignés et insulaires de la République française.

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