Je me fais, ce soir, le porte-parole de ceux qui ne sont ni présents ni représentés : les Kanaks. Que vaut la parole de la France ? Le 10 octobre 2019, le Premier ministre Édouard Philippe, lors de la déclaration de clôture du XIX
Permettez-moi quelques rappels liminaires. Le 12 décembre 2021, pas de participation kanak pour les morts, le deuil et la sécurité. Le 12, pas de participation kanak parce que l'État a rompu la parole d'Édouard Philippe au comité des signataires. Le 12, pas de participation kanak parce que l'État a rompu sa neutralité avec un document à charge contre le « oui ». Le 12, pas de participation kanak pour conserver l'espérance de construire, dans la paix, avec les autres, le peuple calédonien.
Le vote du 12 décembre n'a aucun sens : un vote de décolonisation sans le peuple colonisé, sans les Kanaks ; au mieux un référendum contre les autres, plus probablement un vote de recolonisation. Le taux de participation montre qu'il n'existe pas de majorité pour construire sans les Kanaks, lesquels ont compris massivement le point de vue des leaders du FLNKS. Ils ne sont pas les seuls, car d'autres les ont rejoints. La majorité des abstentions contient la majorité du pays. C'est avec ceux-là qu'il faut organiser un référendum autour de la construction du peuple calédonien, pour un destin commun, dans un pays commun.
Ceux qui ont insisté pour le vote du 12 décembre sont au mieux indifférents au destin commun, au pire méprisants envers les Kanaks, qu'ils ignorent, comme l'ont montré leurs clips de campagne. Ceux qui ont voté sans les Kanaks n'ont pas compris qu'ils votaient contre le destin commun. Ils n'ont pas compris la formule « si y'a pas toi, y'a pas moi ». Les grands perdants sont les Calédoniens. L'identité calédonienne risque de disparaître si on ne sort pas des postures stéréotypées.
Le référendum aura eu lieu pour rien. La revendication politique va continuer, rien n'est réglé. Nous avons juste perdu la boussole de l'accord de Nouméa. Le calendrier que vous avez fixé, monsieur le ministre, n'engage en rien les indépendantistes, qui veulent une transition plus longue. L'État voudrait une sortie de l'accord de Nouméa pour s'en débarrasser. Il voudrait pouvoir proclamer la caducité de cet accord, mais l'accord de Nouméa reste valable pour les indépendantistes.
Les contentieux ont commencé. Pour les indépendantistes, l'accord de Nouméa est irréversible. Cette irréversibilité est constitutionnellement garantie, ce qui signifie que la France doit modifier sa Constitution à la majorité des trois cinquièmes du Parlement français pour modifier les éléments essentiels de l'organisation politique de la Nouvelle-Calédonie qui figurent dans la loi organique. Ces éléments sont le corps électoral des citoyens, les assemblées, le nombre de sièges, le mode de scrutin, le gouvernement collégial, la provincialisation et le rééquilibrage. Si, du fait des décisions du Conseil d'État ou du Conseil constitutionnel ou de l'ordre du jour implicite des discussions proposées par l'État, on arrivait à la caducité de l'accord de Nouméa, et si le corps électoral était ouvert à tous les Français arrivants, le mode d'ordre du mouvement de libération évoluerait de la non-participation au boycott.
Les discussions politiques ne pourront être engagées qu'avec la nouvelle présidence de la République et après les élections législatives, qui donneront la couleur de la coalition gouvernementale et de nouveaux interlocuteurs nationaux. Ces discussions auront lieu sous le format bilatéral. L'objectif sera de former le peuple calédonien. Les Français de Nouvelle-Calédonie, comme aiment s'appeler les partisans du « non », prendront position. Les discussions politiques porteront uniquement sur le principe de l'indépendance et sur les modalités d'une convention d'interdépendance ou de partenariat. La consigne reste de créer le peuple calédonien, réuni dans un destin commun, pour un pays commun. Le consensus ne se décrète pas depuis Paris : il se construit en Nouvelle-Calédonie Kanaky, avec tous les Calédoniens.