Intervention de Guillaume Vuilletet

Séance en hémicycle du jeudi 6 janvier 2022 à 15h00
Avenir institutionnel et politique de la nouvelle-calédonie

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuillaume Vuilletet :

J'ignore si le terme de « caducité » convient, mais, de toute évidence, le troisième référendum a clos le processus institutionnel engagé par les accords de Matignon, puis par l'accord de Nouméa. Aujourd'hui, nous devons nous tourner vers l'avenir après nous être réjouis que ce dernier scrutin s'est déroulé dans un climat serein. Nous pouvons non seulement saluer ceux qui ont participé au référendum, mais aussi l'ensemble des collectivités territoriales calédoniennes, qui ont souhaité l'organiser, dans un esprit démocratique. Notons d'ailleurs qu'à l'issue du scrutin, chaque camp a trouvé un motif de satisfaction dans les résultats. Une nouvelle phase va maintenant s'ouvrir : une phase de diagnostic et de partage sur le bilan des accords.

Les accords de Matignon et de Nouméa ont-ils fonctionné sur le plan institutionnel ? La réponse est oui. Les institutions sont en place, elles ont quelques défauts, mais elles fonctionnent. Les accords ont-ils permis l'émergence d'une communauté calédonienne dotée d'une vision partagée sur son avenir ? La réponse est plus complexe. On ne peut, bien entendu, que se réjouir que le débat public soit pacifié, apaisé et démocratique, mais force est de constater que la société calédonienne reste clivée, ce dont témoigne la décision des forces politiques indépendantistes de ne pas participer à la dernière consultation.

Le résultat du dernier référendum signifie-t-il que le processus de décolonisation est achevé ? La réponse est non. Le temps est révolu, en revanche, où nous posions la question de la décolonisation en des termes binaires, opposant indépendance et maintien dans la République. L'issue de la décolonisation n'est pas forcément l'indépendance ; elle peut être un nouveau schéma d'intégration dans la République, un schéma à inventer. Tel est l'enjeu de la période à venir.

Si la société calédonienne reste à ce point clivée, c'est sans doute qu'au-delà de la réussite institutionnelle des accords, d'autres aspects présentent un bilan plus discutable. Les accords promettaient une plus grande cohérence et une meilleure cohésion économique et sociale de la société calédonienne. Derrière la fracture entre les Kanaks et les Caldoches, il y avait aussi une fracture économique et sociale patente. Une partie du chemin a été parcourue et il faut s'en réjouir. Entre 1989 et 2014, par exemple, la proportion de logements sans commodités de base est passée de 23 % à 10 %. Autre signe encourageant : entre 2005 et 2015, le nombre de diplômes de l'enseignement supérieur délivrés en Nouvelle-Calédonie a été multiplié par deux. L'État a débloqué les moyens nécessaires pour aboutir à ce résultat : près de 1,5 milliard d'euros est alloué chaque année au territoire calédonien. Les collectivités locales et les institutions du territoire ont également, pour une grande part, contribué à ces évolutions positives.

Les fractures restent néanmoins très visibles. Le niveau de pauvreté, situé autour des 18 % de la population, n'a pas diminué depuis 2008 et a même augmenté depuis 1991. La fracture sociale est plus forte en Nouvelle-Calédonie que dans le reste du territoire national. En 2019, les 10 % des Calédoniens les plus aisés avaient un niveau de vie au moins 8,7 fois supérieur à celui des 10 % les plus modestes – ce rapport est de 3,5 sur le reste du territoire national. Un travail considérable doit donc encore être mené pour garantir la cohésion de la société calédonienne. Pour entamer la période qui s'ouvre et avancer dans la transformation des institutions et le rattrapage économique et social, il est indispensable de partir d'un constat partagé.

Monsieur le ministre des outre-mer, quel est votre regard sur les évolutions à l'œuvre depuis trente ans dans les domaines économique et social en Nouvelle-Calédonie ? Outre les questions institutionnelles, nous ne devons pas oublier la réalité tangible de l'existence des Calédoniennes et des Calédoniens. De cette réalité dépend la construction d'un avenir partagé avec la Nouvelle-Calédonie.

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