Intervention de Sébastien Lecornu

Séance en hémicycle du jeudi 6 janvier 2022 à 15h00
Avenir institutionnel et politique de la nouvelle-calédonie

Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer :

Les finances des institutions du territoire autonome se trouvent, il faut le reconnaître, dans un état alarmant. Depuis le début de la crise, la solidarité nationale s'est exprimée massivement, par le biais d'un premier prêt garanti par l'État de 240 millions d'euros puis d'une subvention de 122 millions d'euros, que vous avez votés, mais la situation reste préoccupante, car les difficultés sont structurelles et antérieures à la crise. Dans un pays jouissant pourtant d'un statut d'autonomie, le haut-commissaire de la République a dû, en 2021, arrêter lui-même le budget du territoire. Convenons-en ensemble : la poursuite des discussions doit intervenir dans un cadre parfaitement apaisé et éclairci. Il y va de la continuité des services publics.

Outre ces urgences, la période de transition doit permettre à la Nouvelle-Calédonie de sortir de l'opposition binaire dans laquelle le territoire s'est enfermé depuis trop longtemps. L'État propose ainsi d'engager la réflexion sur des thèmes qui permettront de construire l'avenir et qui préoccupent la société civile.

Philippe Gomès et Frédéric Petit l'ont dit : la réduction des inégalités sociales est un préalable absolu à la poursuite de nos discussions. Selon l'Institut de la statistique et des études économique (ISEE), l'équivalent néo-calédonien de l'INSEE, les 20 % des Calédoniens les plus aisés perçoivent un revenu 8,4 fois supérieur à ceux des 20 % les plus modestes. Même si ce chiffre est en baisse, rappelons que ce ratio est de seulement 4,4 dans l'Hexagone. Ce constat pose très directement la question du système fiscal et social, dont chacun sait qu'il fait partie des grands absents de l'accord et des instruments déployés pour l'appliquer ces vingt dernières années. Voilà un préalable qu'il me semble indispensable de traiter sans délai.

La question du foncier, chère au système coutumier, se pose également au vu des querelles et des difficultés d'accès au foncier tout à fait préoccupantes auquel le territoire fait face, y compris en matière de développement agricole. J'ai également rappelé l'importance de la jeunesse et de la question de l'égalité entre les femmes et les hommes – la Nouvelle-Calédonie détenant malheureusement le triste record national en matière de violences faites aux femmes, dans un cadre intrafamilial ou non.

Si les élus et les formations politiques sont les interlocuteurs légitimes de ces discussions, nous devons également associer la société civile, qui – il faut le reconnaître là aussi avec beaucoup de franchise – a été laissée trop longtemps de côté. Nous avons commencé à le faire en 2020. À ma demande, le haut-commissaire de la République mène des consultations pour définir quelle forme pourra prendre cette concertation. Je me tiens à l'entière disposition des présidents de groupe et des députés pour définir ce cadre, auquel la représentation nationale doit être associée. Le président de la mission d'information sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, Philippe Gosselin, sera évidemment lui aussi à nos côtés pour définir ce champ de discussion avec la société civile.

Deux phases sont donc à prévoir désormais. La première sera une phase de diagnostic et de partage sur le bilan de l'accord de Nouméa. Ce point figurera à l'ordre du jour de la visite que je rendrai prochainement – pour répondre à Isabelle Santiago – aux représentants des Nations unies. Voilà des années que le président du Congrès, Roch Wamytan, souhaite que soit réalisé un audit de la décolonisation – car il s'agit bien d'un processus de décolonisation, même si beaucoup à Paris l'ont oublié. La fin de l'accord de Nouméa doit nous permettre d'y travailler de manière approfondie.

Viendra ensuite une phase de discussions sur le futur statut du territoire. Chacun s'accorde en effet sur le fait que le maintien du statu quo n'est pas possible. Ces échanges devront aboutir – c'est un autre secret de polichinelle –, à une nouvelle révision constitutionnelle, à une réforme de la loi organique et à une nouvelle consultation de projet. Les formations politiques indépendantistes estiment qu'il convient d'attendre le début du prochain quinquennat pour travailler en ce sens. Le gouvernement de Jean Castex et moi-même comprenons parfaitement cette position et nous ne confondrons pas vitesse et précipitation. J'ai écrit aux membres du Congrès de la Nouvelle-Calédonie en vue d'esquisser une méthode et un calendrier, car ils doivent être associés à cette démarche.

Vous l'aurez compris, le chemin des discussions se dessine. Nous devons faire de cette séquence un moment de rassemblement des Calédoniennes et des Calédoniens, avec un grand espoir pour les générations à venir : celui d'un destin commun qui deviendrait enfin une réalité.

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