Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie pour cette invitation à débattre de la transition écologique et environnementale, dans un contexte que nous pensions ne pas avoir à connaître et qui, par les drames que nous traversons, nous invite à repenser l'équilibre entre activité humaine et environnement, et à retrouver un espace de progression de nos activités, une évolution des modes de vie, des façons de produire, de consommer qui préservent ces enjeux environnementaux dont dépendent, on ne le sait que trop en ce moment, notre qualité de vie, notre santé, notre souveraineté et la disponibilité des ressources qui font notre quotidien.
Cette prise de conscience doit nous permettre aujourd'hui de dépasser ce que nous avons trop longtemps connu, une certaine forme de déni, de difficulté à affronter la violence des impacts de nos activités sur l'environnement. Nous avons aujourd'hui les moyens de réels changements, des changements ô combien nécessaires, qui ne sont pas faciles, qui nécessitent une concertation, un dialogue, afin de trouver ensemble toutes les chances qui résident dans ces changements.
Une première cohérence est à trouver dans notre action publique, entre nos différentes politiques. On voit aujourd'hui que la question est systémique. Il nous a d'abord fallu apprendre à toujours plus décloisonner nos réflexions, nos politiques, pour trouver cette cohérence entre les questions de santé, d'éducation, les questions énergétiques, de préservation de la biodiversité et des ressources essentielles au quotidien des Français. Ces questions nous ont invités à repenser la transition énergétique dans sa dimension solidaire et socialement équitable, c'est-à-dire en tenant compte de l'acceptabilité et de l'accessibilité de ces solutions pour tous les Français et, plus largement, d'un bout à l'autre du monde, puisque des actions, des actes, des pratiques, ici en France ou à l'autre bout du monde, ont des effets globaux sur la situation environnementale.
Nous avons su prendre des décisions difficiles, que beaucoup d'autres avaient préféré laisser à leurs successeurs le soin de prendre. Des décisions comme celles relatives à Notre-Dame-des-Landes, EuropaCity ou Montagne d'or sont emblématiques du fait que les transitions à l'œuvre nous obligent à trouver ces équilibres entre les impacts humains, économiques, sociaux et environnementaux.
Il nous a fallu trouver des moyens exceptionnels pour faire face aux défis que nous avons à relever. Dans le contexte de cette crise sanitaire, économique et sociale, nous avons fait le choix de diriger l'essentiel des moyens du plan France relance vers la transition environnementale. Ce sont 30 milliards, soit un tiers des crédits du plan de relance, qui ont été entièrement dédiés aux questions énergétiques, aux questions de mobilité et aux investissements nécessaires à cette transition.
Le plan d'investissement France 2030 prend le relais sur les investissements structurants nécessaires pour assurer cette durabilité et revoir notre modèle de développement et de croissance, dans des secteurs emblématiques, comme celui de l'énergie. Ainsi, 8 milliards d'euros des crédits du plan d'investissement sont directement dédiés à l'hydrogène vert pour décarboner notre industrie.
S'agissant des transports du futur, les moyens financiers ne suffisent pas pour mettre en œuvre cette transition. Nous avons su rendre des arbitrages extrêmement forts, ne serait-ce que dans mon champ ministériel. Nous avons pu annoncer, avec le soutien du Parlement, lors du débat budgétaire de cette année, l'arrêt de toute réduction d'effectifs dans ces opérateurs. Nous savons en effet que ces secteurs sont absolument prioritaires pour préparer l'avenir.
Vous avez évoqué des lois ambitieuses, sur l'énergie, les mobilités, l'économie circulaire, le climat. La loi d'orientation des mobilités, votée en 2019, nous a permis de changer notre regard sur les transports. Nous devons modifier certaines pratiques : il n'y a pas de petits gestes, et chaque changement peut contribuer à la transition, si nous adoptons tous ces nouvelles solutions.
La loi « climat et résilience » nous a appris à trouver les moyens de faire évoluer notre façon d'habiter, de consommer, de nous chauffer, de nous nourrir. Tout ceci nourrit le débat public, de plus en plus important ces dernières années et dans le cadre duquel il nous faut trouver des réponses concrètes. Il nous faut travailler sur l'urbanisme et l'artificialisation des sols dont on sait aujourd'hui qu'elle est un enjeu d'importance. Nous devons développer la réduction des emballages et, plus globalement, l'économie circulaire, dans l'idée que nos ressources sont limitées et impliquent d'asseoir notre souveraineté sur une gestion plus raisonnée et plus sobre. Le « jour du dépassement » doit nous alerter sur la fuite en avant qui a été la nôtre dans ce monde fini.
Sur les enjeux qui sont objets de tensions, nous devons nous appuyer sur un éclairage scientifique, et une forme de pragmatisme raisonné, apaisé, pour tracer notre chemin et empêcher que certains sujets, extrêmement sensibles, nous immobilisent dans des positions extrêmes.
Vous avez aussi évoqué les enjeux éthiques, largement abordés cette année dans le cadre des débats sur le bien-être animal et la lutte contre la maltraitance. Pour prendre des décisions politiques et trouver les moyens d'accompagner tous les Français dans ces changements, il nous faut trouver leur donner du sens et, précisément, cette dimension éthique.
La question du partage de l'eau est au cœur des tensions que j'évoquais. Elles s'apaisent aujourd'hui à mesure que nous considérons cette ressource non plus en fonction des besoins mais des ressources disponibles. Au travers du décret pris cet été ou du Varenne de l'eau et de l'adaptation au changement climatique que je mène actuellement avec le ministre de l'agriculture Julien Denormandie, nous reconstruisons pas à pas ces équilibres, et il me semble que la société française s'en trouve apaisée.
Au rang des sujets emblématiques figurent également les Assises de la forêt et du bois. Nous souffrions tous de voir la forêt française atteinte de stress hydrique et d'autres problèmes sanitaires, d'autant que, derrière la préservation de cette forêt qui nous tient tant à cœur se trouve celle de toute une filière, d'une industrie et de l'économie locale des communes forestières, à quoi il faut aussi ajouter les perspectives ouvertes par la REE2020, la nouvelle réglementation environnementale applicable aux constructions neuves, en matière de mobilisation de la ressource en bois.
Concernant les questions de souveraineté il nous faut, pour défendre l'économie française, reconstruire les équilibres globaux avec ce qui se joue à l'autre bout du monde.
Cette dynamique du changement qui s'articule autour du climat et de la biodiversité et, comme vous l'avez tous largement souligné, il importe de réussir la symbiose entre ces différents enjeux. Lutter contre l'érosion de la biodiversité, c'est aussi résoudre la question du dérèglement climatique. À l'inverse, le dérèglement climatique favorise largement l'érosion de la biodiversité. Cette prise de conscience s'est enfin faite au niveau international. La COP26 a fait une large place aux questions de biodiversité, et on sait désormais, dans toutes les enceintes internationales, que ces enjeux sont liés. J'appelle de mes vœux toujours plus de décloisonnement entre ces sujets.
Nous travaillons au mix énergétique, extrêmement structurant pour notre quotidien et primordial pour notre qualité de vie, notre souveraineté et la pérennité de notre modèle économique. En l'espèce, nous ne pouvons pas nous laisser enfermer dans des dogmes et dans des résistances au changement, et nous devons parvenir au juste équilibre entre ce qui nous paraît souhaitable et soutenable, tout en guidant la réflexion des Français sur les questions de sécurité d'approvisionnement, de sûreté et de pertinence des différents modèles économiques que recouvre ce mix énergétique.
L'actualité du débat public est très riche sur ces questions, avec, au premier chef, la déclinaison, dans les prochains mois et les prochaines années, de la programmation pluriannuelle de l'énergie et de la stratégie française sur l'énergie et le climat, qui sera à nouveau examinée par le Parlement en 2023.
Ce cadre énergétique pose à nouveau la question de la sobriété. On ne peut pas poursuivre la fuite en avant vers toujours plus de production et de dépenses énergétiques, sans renforcer les moyens que nous dédions à la réduction de notre consommation énergétique. À ce titre, nous travaillons très largement sur la rénovation énergétique des bâtiments. Le succès de MaPrimeRénov' atteste que les Français souhaitent participer à cet effort. Il faut que nous en donnions les moyens à tous.
Au moment où la France prend la présidence du conseil de l'Union européenne, nous ferons valoir cette cohérence entre ce que nous défendons au niveau national et ce que nous défendons au niveau communautaire et international. Ce leadership de la France sur la scène internationale s'est dessiné ces dernières années sur les questions environnementales, qui peuvent sembler parfois assez éloignées du quotidien des Français mais qui participent de cette cohérence. Notre légitimité au niveau international tient à ce que nous avons défendu et que nous continuerons de défendre au niveau local, avec toujours le souci de maintenir une cohérence et une continuité entre les différents cadres dans lesquels nous nous inscrivons, réglementaires ou législatifs, qui peuvent être différents dans les autres pays. Ne l'oublions pas : les questions de biodiversité et d'environnement, les questions climatiques ne s'arrêtent pas aux frontières administratives.
Le Pacte vert pour l'Europe et le paquet fit for 55 nous fourniront un cadre communautaire d'autant plus indispensable que l'échelle européenne est la mieux adaptée à certains enjeux de la transition : le marché carbone, la déforestation importée, les transports, la taxe carbone aux frontières, l'efficacité énergétique, la restauration des écosystèmes se jouent à l'échelle européenne.
Je vous remercie de participer en tant que parlementaires à cette diplomatie environnementale, où se rencontrent les enjeux climatiques et de biodiversité, comme en témoignent le One Planet Summit, qui s'est tenu en France en janvier 2021 et fut entièrement dédié à la biodiversité, l'UICN et la stratégie des aires protégées, la COP15 et la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée.
Nous partageons aujourd'hui ce constat et l'idée qu'il est légitime et impératif de nous donner des moyens. Nous partageons, je crois, cette vision d'un modèle de sobriété, de solidarité, de souveraineté, ancré dans le réel et dans le concret, depuis nos territoires dans lesquels les Français agissent au quotidien et où nous travaillons avec les différents niveaux de collectivités, jusqu'à la scène internationale, en passant par le quotidien des Français.
Il me reste à vous souhaiter et à nous souhaiter de pouvoir décliner, dans des trajectoires, des objectifs et des points d'étape ce modèle de planification qui doit mettre en regard de nos actions et des stratégies déployées des moyens concrets.