Intervention de Régis Juanico

Séance en hémicycle du vendredi 7 janvier 2022 à 15h00
Évaluation des politiques de prévention en santé publique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRégis Juanico, rapporteur du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques :

La lutte contre la sédentarité est un enjeu sanitaire majeur du XXIe siècle. Les termes que nous utilisons avec Marie Tamarelle-Verhaeghe dans notre rapport d'évaluation des politiques de prévention en santé publique sont explicites : il y a urgence à désamorcer ce que nous qualifions de « bombe à retardement sanitaire ». Ce rapport constitue une alerte supplémentaire sur les dangers de la sédentarité : le temps passé couché ou assis, notamment devant les écrans, pour des activités de loisirs, ne cesse de croître dans notre vie. Associée à la diminution de l'activité physique, elle-même accentuée par la crise sanitaire, la sédentarité a des effets désastreux sur la santé physique des jeunes, mais aussi sur leur sommeil et leur alimentation.

Temps scolaire compris, le temps passé en position assise représente 55 % de la journée des élèves de l'école primaire et 75 % quand ils atteignent 14-15 ans. D'après les chiffres de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), publiés en novembre 2020, pour l'année 2016 – avant même la crise sanitaire –, 66 % des 11-17 ans présentent un risque sanitaire préoccupant : ils passent plus de deux heures par jour devant les écrans et consacrent quotidiennement moins de soixante minutes à une activité physique. Le cardiologue François Carré observe qu'un grand nombre d'enfants qui se rendent le matin à l'école en véhicule avec leurs parents parcourent à peine une cinquantaine de pas avant la récréation de dix heures.

Une activité physique régulière est vitale pour les jeunes, qui risquent de perdre des années d'espérance de vie en bonne santé. C'est la raison pour laquelle nous avons soutenu unanimement mardi dernier, lors de la discussion du projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique, un amendement visant à dispenser les 12-15 ans du passe vaccinal pour les activités sportives.

Après l'âge, le surpoids et l'obésité sont les principaux facteurs de risque de développer une forme sévère de la covid-19. Entre 75 et 85 % des patients en réanimation ont un indice de masse corporelle supérieur à 25. Depuis deux ans, à l'instar des gestes barrières et de la vaccination, la promotion de l'activité physique aurait donc dû être au cœur des messages de prévention de la covid-19. Je pense en particulier aux étudiants, fragilisés physiquement et psychologiquement par les confinements successifs et les cours en distanciel. Ils sont en souffrance du fait de leur isolement. Les autorités auraient dû leur proposer des activités physiques collectives de plein air. Une activité physique adaptée est aussi un moyen de guérir plus vite des séquelles du covid long.

Au-delà de la pandémie, l'activité physique constitue un formidable levier de prévention des maladies chroniques – cancers, diabète de type 2, hypertension artérielle, etc. La sédentarité est à l'origine de 10 % des décès prématurés au niveau mondial. La capacité physique est le premier facteur prédictif de mortalité évitable. Or, comme le montre une étude américaine de 2019, il suffit de remplacer trente minutes de sédentarité quotidienne par trente minutes d'activité physique, même d'intensité modérée – par exemple, le jardinage –, pour faire baisser de 17 % la mortalité prématurée et de 30 % le risque d'accidents cardiovasculaires. Avec une activité plus intense, la diminution de la mortalité prématurée passe à 35 %.

La lutte contre la sédentarité doit constituer la priorité, le fil rouge des politiques publiques de prévention en santé publique à tous les âges de la vie. Ce rapport est un manifeste à l'intention des pouvoirs publics et vise à remettre les Français en mouvement, par un mode de vie plus actif, avec dix-huit préconisations cohérentes. Outre notre proposition de faire de l'activité physique une grande cause nationale de 2022 dans la perspective des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, nous formulons des recommandations simples pour la vie quotidienne des Français.

Nous les invitons à se lever, à s'étirer toutes les demi-heures et à privilégier les modes de transports actifs, en particulier la marche et le vélo. L'école et l'université doivent permettre d'ancrer les bonnes habitudes dès le plus jeune âge grâce à la promotion de la pratique physique et sportive et de la prévention en santé. S'agissant de l'éducation physique et sportive (EPS), nous recommandons, pour ce moment de décrochage sportif important que constitue l'adolescence, de passer de deux à trois le nombre d'heures d'EPS obligatoires au lycée et de proposer, dans les cursus d'enseignement supérieur, une unité d'enseignement libre d'activité physique et sportive. Il faut, par ailleurs, rendre systématiques les tests de condition physique en les rendant accessibles à l'école dans les cours d'EPS, à l'université, en milieu professionnel, au moment du départ en retraite et en EPHAD.

Enfin, la prescription de l'activité physique adaptée doit être facilitée par une prise en charge, par l'assurance maladie, des consultations spécifiques et des premiers bilans médicaux sportifs et motivationnels préalables, les maisons sport-santé jouant un rôle pivot en matière d'accueil, d'information et d'orientation des publics concernés.

L'expérimentation « As du Cœur », menée par l'association Azur sport santé auprès de malades atteints de pathologies cardiovasculaires, que nous mentionnons dans le rapport, a permis de montrer que les dispositifs d'activité physique adaptée, financés en partie par l'assurance maladie, étaient à l'origine de 30 % d'économies directes dans les dépenses de soins. Rappelons que les traitements cardiovasculaires représentent 10 % des dépenses de santé, soit 18 milliards d'euros. Imaginez, chers collègues, les économies que nous pourrions réaliser en développant ces dispositifs ! D'où ma question, monsieur le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles : le Gouvernement est-il prêt à généraliser une telle prise en charge par l'assurance maladie ?

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