Intervention de Isabelle Santiago

Séance en hémicycle du vendredi 7 janvier 2022 à 15h00
Accueil des migrants au sein de l'union européenne et réforme du règlement dublin iii

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Santiago :

Je prends la parole au nom de ma collègue Michèle Victory, qui ne pouvait être présente pour ce débat, l'agenda de cette semaine ayant été quelque peu bousculé.

Alors que la France préside depuis quelques jours l'Union européenne pour six mois, nous nous réjouissons d'avoir l'occasion de débattre de la politique migratoire au sein de l'Union. Nos travaux parlementaires nous conduisent régulièrement à traiter de ce sujet important. C'était le cas encore récemment avec la commission d'enquête sur les migrations – des mois d'auditions, de nombreux déplacements auprès des acteurs de terrain et des échanges avec les migrants. Notre constat est qu'il est nécessaire de considérer l'accueil migratoire non pas comme une affaire intérieure, mais bien européenne. Car, nous le savons, la politique migratoire européenne et le règlement Dublin III sont des échecs ; il est urgent de les corriger. D'ailleurs, un autre rapport de la commission des lois, relatif à la réforme européenne du droit d'asile, présenté en 2019, dénonçait déjà l'incapacité de l'Union européenne à réformer le régime dont elle s'est progressivement dotée.

Les blocages de certains pays et l'absence d'initiatives sont consternants. En effet, loin de permettre un accueil digne des réfugiés et des migrants ou une maîtrise de nos frontières extérieures, le règlement Dublin III a surtout fait peser une pression inacceptable sur les pays qui bordent l'Union européenne, comme la Grèce, l'Italie ou Malte. La seule réponse apportée à cette crise a été de passer des accords assez effroyables avec des pays comme la Libye ou la Turquie pour que leurs forces empêchent les migrants d'arriver dans l'Union.

Autre exemple : plutôt que de laisser les bateaux libyens rapatrier les migrants vers un avenir malheureux, ne serait-il pas nécessaire de déployer une flotte d'intervention rapide afin de répondre aux appels au secours des personnes en détresse en Méditerranée ? Cela vaudrait mieux que de bloquer les bateaux de port en port, ou pire de voir les drames humains se produire et se multiplier sous nos yeux. Je pense notamment au décompte macabre et terrifiant du nombre de migrants décédés en mer – hommes, femmes, enfants –, alors qu'ils n'aspiraient qu'à un avenir loin des guerres et des dictatures.

La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen avait annoncé sa volonté de mettre un terme à Dublin III afin de le remplacer par un mécanisme de solidarité. C'est le sens des préconisations du rapport de la commission d'enquête sur les migrations : l'abrogation du règlement Dublin III et la création d'une agence de l'asile européen. Les atouts de la création d'une telle agence sont multiples. Elle favoriserait la fluidité des échanges et des relations entre les pays de l'Union européenne, alors que la situation est aujourd'hui très complexe et que les relations entre les pays d'arrivée et de transit sont très tendues. L'objectif, qui doit être commun, est celui d'un accueil plus digne, plus important, et plus fort. Il faut porter haut et fort les valeurs humanistes de l'Europe.

La crise afghane a révélé, au même titre que la crise syrienne qui perdure depuis plus de six ans, que la politique migratoire européenne dysfonctionne largement dans un monde en profonde mutation. Face à de telles crises, la question migratoire ne pourra jamais se régler ou se penser en nous repliant sur nous-mêmes en Europe.

Le dérèglement climatique qui s'accélère et son corollaire, le déplacement de populations vers des terres plus prospères, ainsi que l'avènement des démocraties illibérales et le repli sur nous-mêmes dans les pays du Nord, sont autant de facteurs qui doivent appeler une refonte rapide de notre système, afin que celui-ci soit à la hauteur des valeurs de l'Union, en le pensant pour préparer l'avenir.

Nous savons que vous percevez davantage les migrations sous l'angle d'un bilan comptable – nombre de demandeurs d'asile, ou encore nombre d'expulsions ou d'obligations de quitter le territoire français (OQTF) délivrées –, plutôt que sous celui de notre devoir de solidarité et de l'extraordinaire bénéfice qu'apportent ces personnes, riches de leurs cultures et de leurs parcours. Nous le regrettons, car l'immigration est une chance et notre pays se doit d'être le moteur européen d'une politique migratoire responsable mais aussi généreuse, et surtout pensée à l'aube des défis à venir, comme l'enjeu climatique.

Nous n'avons pas de politique migratoire commune avec les autres pays européens. Il suffit de jeter un œil aux frontières orientales de l'Union européenne pour s'apercevoir que nous n'avons pas forcément la même vision de l'immigration que la Pologne ou la Hongrie – pour ne prendre que ces deux exemples. La France devrait rayonner par un accueil pensé et digne ; c'est ce qui fait sa force depuis le XIXe siècle. Nous devrions mieux prendre notre part dans l'accueil européen des migrants, même si nous savons que le sujet est complexe. Nous devons mieux accueillir, en améliorant drastiquement les délais de traitement des demandes d'asile.

Nous soutiendrons le mécanisme de solidarité évoqué par la présidente de la Commission européenne, à condition qu'il permette un accueil plus juste et plus digne pour les migrants. Ne laissons pas l'obscurantisme, que l'on voit poindre dans tous les débats nationaux et européens, prendre le pas sur l'Europe.

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