Intervention de Jean-Hugues Ratenon

Séance en hémicycle du mercredi 12 janvier 2022 à 15h00
Gestion des risques climatiques en agriculture — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Hugues Ratenon :

Pour bénéficier des indemnités universelles, il faut avoir signé un contrat d'assurance, l'indemnisation des non-assurés ne pouvant être supérieure à 50 % de celle des assurés. Vos dispositifs ne font donc que renforcer l'inégalité entre les paysans assurés et les autres. Pas de contrat privé, c'est moins d'aides publiques : il s'agit de jeter les agriculteurs dans les bras des assureurs. De surcroît, l'augmentation de 300 millions d'euros des dépenses publiques bénéficiera en priorité aux exploitants les plus aisés, aux exploitations les plus rentables.

Parmi les propositions du rapporteur Descrozaille, remises lors du Varenne agricole de l'eau et de l'adaptation au changement climatique, figure la baisse d'ici à 2030, tendant à la suppression pure et simple, des indemnisations des non-assurés ; il en résulte que moins de la moitié des surfaces agricoles seront assurées en 2030. Les exploitations les moins rentables ne donnent pas les moyens de se payer une assurance : elles se retrouveront pénalisées par une moindre couverture solidaire. Dans le même temps, vous voulez démanteler le régime des calamités agricoles au profit des assurances privées ; or certains secteurs, par exemple l'apiculture, l'arboriculture, le maraîchage diversifié, ne sont pas, ou difficilement, assurables, car ils n'intéressent pas ces dernières. Par conséquent, le système que vous proposez, loin d'être universel, abandonne des pans entiers de l'agriculture française et subventionne le secteur privé afin de permettre l'émergence d'un marché voué au profit.

Nous savons tous que la gestion des risques intermédiaires est confiée aux entreprises d'assurance : le Gouvernement impose aux agriculteurs ces intermédiaires privés qui ne recherchent que les bénéfices, et comme cela ne suffit pas, les récalcitrants qui ne consentiraient pas à s'assurer sur le marché seront sanctionnés par la privation d'aides publiques en cas d'événement climatique majeur. La solidarité nationale est ici à géométrie variable : au lieu de soutenir directement les paysans, ou de créer, comme le souhaite la Confédération paysanne, un fonds mutuel et solidaire associant tous les acteurs de la filière, le Gouvernement poursuit sa politique de subventions aux acteurs privés. Le système actuel est certes obsolète à l'heure où la fréquence et l'intensité des aléas climatiques augmentent sans cesse ; il faudrait donc réformer progressivement le régime des calamités agricoles, afin de permettre de meilleures indemnisations et des réponses dans les plus brefs délais, et créer le fonds que je viens d'évoquer, lequel assurerait une couverture de base de toutes les exploitations, de toutes les cultures, y compris diversifiées, face au risque climatique quel qu'il soit.

Vous souhaitez également sauver les profits des assurances privées en abaissant le seuil d'éligibilité aux subventions et en augmentant leur taux maximal. Les assureurs indemnisent désormais plus qu'ils ne collectent : le marché de l'assurance multirisque climatique est très peu rentable, le secteur des assurances agricoles extrêmement concentré – dix entreprises seulement, dont les deux plus grandes se partagent à elles seules 70 % du marché – et les coûts voués à devenir de plus en plus élevés en raison du changement climatique. Subventionnés par le Gouvernement pour leur permettre de continuer d'exister, ces assureurs pèseront sur les services publics et menaceront l'égalité de traitement sur laquelle ces derniers sont fondés.

Avec ce projet de loi, le Gouvernement souhaite décider à lui seul des modalités de gestion et de gouvernance du futur système. De plus, les agriculteurs confrontés à davantage de risques climatiques risquent de se voir proposer des contrats d'assurance aux tarifs exorbitants. Quand il s'agit de contraindre les entreprises et d'établir d'éventuelles sanctions, préfère-t-on passer par ordonnance ? À mon sens, le Parlement devrait avoir son mot à dire.

De même, alors que les départements d'outre-mer sont dans une situation sociale, économique et sanitaire catastrophique et qu'ils sont les premiers affectés par le dérèglement climatique, le Gouvernement évite de débattre avec le Parlement de la gestion des risques climatiques pour les agricultures ultramarines. Les territoires d'outre-mer ne méritent-ils pas un débat parlementaire au même titre que les autres ? Le groupe La France insoumise ne votera pas ce texte.

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