Ce glissement vers une gestion privée n'est pas nouveau. Vous l'assumez en favorisant l'extension de l'assurance récolte, organisée autour d'un système de seuils intermédiaires volontairement flou, mais que les compagnies d'assurance pourront juger profitable en raison des très forts soutiens publics européens et nationaux qu'il recevra. Vous le savez, la quête permanente du soutien de l'État pour assurer la rentabilité artificielle de produits assurantiels privés nous paraît très discutable. Elle l'est d'autant plus lorsque l'on apprend que les sociétés d'assurance qui seront chargées de définir le contenu des contrats et des niveaux de couverture des pertes au sein du CODAR viennent d'annoncer aux agriculteurs qu'elles augmenteront leurs tarifs de 10 à 25 % dès 2022 ! Curieuse coïncidence.
Enfin, monsieur le ministre, vous avez confirmé en commission le transfert à des interlocuteurs privés de la gestion des deux étages d'indemnisation et de l'évaluation des pertes. Cette délégation de service public, effectuée après appel d'offres, dépossédera de fait les services déconcentrés de l'État de leur mission actuelle. Vous confiez en réalité toute la gestion du système aux assureurs, qui deviendront juge et partie.
Aussi, malgré la présentation séduisante de votre réforme, nous demeurons très circonspects quant à son impact réel sur le niveau de couverture des risques climatiques de nos agriculteurs, et dubitatifs quant aux conditions de la mise en œuvre de cette nouvelle usine à gaz. Nous sommes également inquiets quant à la place et au rôle confiés aux assureurs privés. Si aucune modification substantielle des articles du projet de loi ne vient lever ces craintes au cours de nos débats, nous ne voterons pas le texte.