Intervention de Julien Dive

Séance en hémicycle du mercredi 12 janvier 2022 à 15h00
Gestion des risques climatiques en agriculture — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJulien Dive :

C'est d'autant plus vrai lorsque l'on a les pieds dans la terre, dans nos vallées, nos coteaux, nos vergers, nos prairies…

L'épisode de gel massif d'avril 2021 n'a épargné quasiment aucune région française ; il a provoqué des pertes de 100 % en arboriculture et dans la culture des petits fruits, ainsi que des pertes importantes en viticulture et même en grandes cultures, obligeant certains betteraviers à semer à nouveau. Citons aussi les épisodes généralisés de sécheresse en 2020 et en 2016, ainsi que les épisodes de grêle, les tempêtes répétitives ou encore les incendies : la recrudescence des événements climatiques défavorables ces dernières années place de plus en plus d'acteurs du monde agricole au bord de la rupture.

Ce phénomène dépasse la dimension purement financière des pertes subies ou l'enjeu de la souveraineté alimentaire de la France – pourtant déjà fortement mise à mal en raison du déséquilibre normatif dont nous souffrons par rapport à nos concurrents étrangers. En effet, la pression psychologique et les dommages moraux occasionnés par ces aléas climatiques nourrissent le malaise de nombreux exploitants, entraînant parfois des conséquences dramatiques. Si nos agriculteurs ont des difficultés, les compagnies d'assurance en ont également, d'ordre économique. Elles redoutent en effet la multiplication de ces épisodes climatiques qui les conduisent à dépenser plus qu'elles ne collectent – ce qui démontre que le système est à bout de souffle.

Il fallait donc répondre à une demande exprimée par les filières depuis plus de vingt ans. La question de la réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture avait été amorcée avec le Varenne de l'eau, dont les travaux – menés avec rigueur, je dois le dire, monsieur le rapporteur – ont débouché sur le projet de loi que nous examinons aujourd'hui.

Spontanément, on s'interroge et l'on est surpris, de façon légitime, par le calendrier choisi : nous sommes en effet à quatre-vingt-dix jours de l'élection présidentielle. Mais l'urgence est bien là et il faudra y répondre, tôt ou tard.

Au passage, je déplore la difficulté pour le législateur d'amender un texte de cette nature : l'article 40 restreignant fortement la possibilité de proposer des modifications, la plupart de nos amendements ne peuvent quasiment porter que sur la forme.

C'est un projet de loi nécessaire, urgent, dont j'approuve les grands principes – la solidarité nationale, la liberté pour les agriculteurs de s'assurer ou de ne pas s'assurer, la complémentarité indispensable entre les assurances et l'État –, mais qui suscite aussi plusieurs interrogations.

Interrogation tout d'abord sur l'application du texte, qui doit s'étaler jusqu'à 2023 : cela signifie qu'elle dépendra de textes réglementaires d'application qui interviendront après les élections présidentielle et législatives. Interrogation manifestée par les assureurs : à l'article 7, vous envisagez de mettre en place un pool d'assureurs de manière à simplifier et harmoniser le recours à l'assurance privée et l'accès au nouveau dispositif d'indemnisation publique. Ce pool pourrait jouer un rôle de tiers de confiance mais pour être efficace, il doit absolument mutualiser les risques. Si vous voulez que chacun y adhère, l'obligation ne doit pas uniquement consister en un partage de données. Il est impératif d'éviter un tri par les compagnies d'assurance entre les « bons » et les « mauvais » risques.

Enfin, cette belle architecture sera sans effet si les financements ne suivent pas. Or vous avez écarté la possibilité de flécher des crédits dès le projet de loi de finances pour 2022. Tout reposera donc sur les discussions budgétaires post-élections législatives afin que l'enveloppe dédiée couvre les besoins nécessaires pour garantir la bonne marche de ces outils de gestion des risques. Le succès de la réforme tient au taux d'adhésion des agriculteurs, viticulteurs, arboriculteurs, apiculteurs, éleveurs. Il est donc indispensable d'associer toutes les filières, chacune avec sa particularité. C'est l'objet d'amendements relatifs à la composition du CODAR que mon groupe défendra à l'article 5.

Le groupe Les Républicains soutiendra la démarche portée par ce projet de loi et votera en sa faveur. Il vous faudra néanmoins lever nos doutes en matière d'application, de garantie de financement et de compatibilité avec le droit de la concurrence.

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