Dans l'histoire agricole, il y a un lien indéfectible, notamment à partir du XIX
Mais les temps changent et de nouveaux risques apparaissent, auxquels nous devons faire face. Je fais partie de ceux qui disent aujourd'hui avec clarté que le statu quo n'est pas acceptable. La situation nous impose, monsieur le ministre, une certaine humilité, puisque nous n'avons pas réformé le régime d'assurance des calamités agricoles alors que le sujet ne date pas d'hier : depuis dix ans au moins il est l'objet de discussions au sein du monde agricole, des syndicats, des cercles sociaux-démocrates auquel nous appartenons. Pourtant, nous n'avons pas pris le taureau par les cornes ni mené à bien cette réforme indispensable.
Je le répète, le statu quo n'est pas possible : il y a des productions orphelines ; les risques augmentent de façon patente ; moins de 20 % des 28 millions d'hectares de surface agricole utile (SAU) française relèvent des assurances multirisques climat ; le régime actuel de calamités et de catastrophe naturelle est inopérant et fait l'objet tant de pressions et de négociations politiques que d'objectivation scientifique. Nous abordons donc avec bienveillance, curiosité et disponibilité la réforme qui nous est proposée.
Les principes que vous posez sont a priori sympathiques, et pas seulement parce que le rapporteur s'y est beaucoup investi et n'a pas été pas avare de dialogue et de pédagogie, épris qu'il est, lui aussi, d'une forme d'éthique de l'économie sociale de marché : un accord public-privé, une dimension universelle, une cogestion au sein du CODAR, tout cela nous parle et nous séduit au premier abord. Mais si aujourd'hui nous sommes plutôt, entre dubitatifs et circonspects, dans une logique qui nous rend disponibles pour un vote favorable, négatif ou une abstention, c'est pour deux raisons très simples.
Premièrement, nous aurions pu imaginer une solution alternative – cela dit sans arrogance puisque nous ne l'avons pas proposée plus tôt –, valide sur le plan conceptuel et pratique, pourvu qu'on y mette des moyens publics, ce qui n'est pas tellement la tradition : l'alliance de l'aide publique telle qu'elle existe aujourd'hui sous la forme de subventions et de prise en charge en cas de catastrophe avec un système de contribution universelle du monde agricole – comparable aux contributions volontaires obligatoires, les CVO. Nous aurions ainsi un système mutualiste organisé par l'État, le CVO étant un hybride de la politique publique et de la dynamique privée, de l'appareil d'État et de la profession. Une telle solution aurait permis de ne pas passer par les assurances privées. Voilà pour l'idéal.
Deuxièmement, il aurait fallu nous donner des garanties. Nous ne sommes pas dupes : la hausse récente est une sorte d'anticipation d'une machine qui pourrait s'emballer, d'un pouvoir qui pourrait devenir exorbitant. Tant que des seuils conformes à la justice, à l'éthique ne sont pas fixés par avance, plutôt que renvoyés à des ordonnances ou à des décisions ultérieures, nous pourrons craindre une mainmise de l'assurance privée, dont les contrats conditionnent désormais quasiment toute l'aide publique au monde agricole.
Dans cette perspective, nous serons attentifs à ouvrir au moins le débat. Le rapporteur s'est engagé à ce qu'il y ait une discussion de fond sur la possibilité d'une offre alternative. Nous veillerons au minimum à ce que les conditions posées aux aides publiques puissent être adossées à autre chose qu'à l'assurance privée et que l'assurance privée soit au moins soumise à des exigences éthiques. Nous qui avons été habitués ces dernières années à distribuer, du fait de la pandémie, de l'argent public massivement et sans condition, nous sommes en train de poser les principes d'un nouveau système qui pourrait être fondé sur une éthique de partage de la valeur, afin que l'argent public et celui des agriculteurs n'alimentent pas une cash machine des assurances privées qui échapperait à toute raison et à la solidarité que nous entendons défendre ici.