L'agriculture se caractérise par des cycles de production généralement longs, qui l'exposent tout particulièrement aux aléas climatiques. Au fond, le risque climatique est consubstantiel à l'agriculture. Il est d'ailleurs depuis longtemps intégré dans le raisonnement de nos agriculteurs. Les cultures peuvent être variées pour ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier ; les dates de semis sont étalées, ni trop précoces, pour éviter les gelées hivernales, ni trop tardives, pour ne pas subir les sécheresses estivales. Même s'il ne s'agit pas d'en faire une liste exhaustive, les pratiques sont nombreuses pour limiter, voire éviter les conséquences des risques climatiques en agriculture.
Cependant, ces stratégies d'évitement ne fonctionnent que pour parer des risques limités, clairement identifiés, d'une fréquence faible à moyenne. Une sécheresse tous les cinq ans en période estivale est supportable par un système d'exploitation adapté et diversifié ; deux sécheresses drastiques en quatre ans peuvent condamner une exploitation. Or les événements climatiques d'ampleur se multiplient, à l'instar du gel de 2021 qui a si durement touché les vignes et les vergers notamment. L'agriculture n'est pas en mesure de s'adapter à des phénomènes climatiques à la fois plus violents et plus fréquents.
Certes, des dispositifs de type assurantiel existent pour faire face à ces aléas : le régime des calamités agricoles d'abord, créé en 1964, qui s'appuie sur la solidarité nationale, et des assurances de droit privé, les assurances multirisques climatiques, dont environ deux tiers du coût est pris en charge par des financements européens, le reste étant à la charge de l'agriculteur.
Mais le constat est clair : ces dispositifs ne sont plus adaptés. Moins de 30 % des agriculteurs souscrivent à la multirisque climatique, en raison de son coût mais également à cause des franchises intervenant lors des règlements. Quant au régime des calamités, il est particulièrement complexe, entraîne des délais d'indemnisation très longs et est souvent injuste, puisqu'il conduit à mieux indemniser ceux qui ne sont pas assurés que ceux qui le sont, les deux mécanismes n'étant pas articulés l'un avec l'autre.
Dans ce contexte, la réforme que vous proposez, monsieur le ministre, va dans le bon sens. Elle part de deux constats simples. Premièrement, l'agriculture française n'est pas en mesure d'assurer seule des risques qui la dépassent du fait du changement climatique. Deuxièmement, l'architecture entre les deux dispositifs n'est plus fonctionnelle, d'où un système complexe, incohérent, voire contre-productif.
À ces deux constats, la réponse apportée est claire, ce dont nous vous savons gré : un effort financier sans précédent avec le doublement du budget consacré à l'assurance récolte, qui passe de 300 à 600 millions d'euros ; la mise en place d'un système de protection unifié, applicable à l'ensemble des productions et qui se structure autour de trois niveaux de risque sur lequel je veux revenir.
Le premier niveau, c'est l'équivalent de la franchise qui reste à payer quand on a été victime d'un sinistre. C'est tout simplement le risque de l'agriculteur. Cette notion est importante. Il y a des productions qui ne sont pas ou ne sont plus possibles dans certains contextes agro-climatiques. Vouloir les prendre en charge reviendrait à enlever toute responsabilité au producteur.
Le deuxième niveau est celui, facultatif, de l'assurance privée qui a la charge des risques moyens par leur fréquence et leur intensité. Au-delà d'un certain seuil, les dégâts de tous, assurés ou non, sont pris en charge par les pouvoirs publics : c'est le troisième niveau. C'est aussi une façon de réduire le coût d'accès à l'assurance privée, qui se voit déchargée de la couverture des risques exceptionnels.
Si le texte est clair et cohérent, il reste des points importants sur lesquels je veux attirer votre attention. L'application du système doit être rapide, concomitante de la réforme de la politique agricole commune (PAC) en 2023. Le pool d'assureurs doit être organisé de telle sorte qu'il puisse proposer des assurances accessibles au plus grand nombre d'agriculteurs, quelles que soient les productions et les territoires – il ne s'agit pas de ne laisser aux assureurs que les bons risques. Il convient aussi de travailler à une définition du potentiel de rendement assurable : la moyenne olympique actuellement utilisée est objective, mais présente aussi des inconvénients majeurs. Il faut enfin sensibiliser davantage nos agriculteurs à l'intérêt de s'assurer. L'assurance récolte ne doit pas être considérée comme un investissement financier mais comme une ceinture de sécurité susceptible de sauver la vie d'une exploitation. Ce travail de sensibilisation doit être le fait à la fois des pouvoirs publics et des organisations professionnelles agricoles.
Nous serons vigilants sur ces points mais, vous l'aurez compris, le groupe Démocrate est extrêmement favorable à ce texte. Il s'inscrit pleinement dans la réflexion d'ensemble que vous menez en faveur de l'agriculture française, qui passe notamment par le travail sur le prix payé aux agriculteurs ou l'accès à l'eau.