Intervention de Émilie Cariou

Séance en hémicycle du mercredi 12 janvier 2022 à 15h00
Gestion des risques climatiques en agriculture — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉmilie Cariou :

Au printemps dernier, un épisode de gel est venu frapper nos vignes et plusieurs de nos cultures. Conséquence directe : l'État a dû débloquer 1 milliard d'euros afin de soutenir le monde agricole. Ce triste épisode a mis en exergue l'impact du dérèglement climatique sur nos territoires et notre agriculture et nous a conduits à nous interroger sur les moyens de gérer ces risques que nous ne maîtrisons pas.

Ce projet de loi est la réponse apportée par le Gouvernement à la suite des différents épisodes climatiques vécus en France ces dernières années.

Le coût des sinistres a doublé par rapport aux années 2010-2015 et l'essoufflement du système actuel d'indemnisation des pertes de récolte résultant d'aléas climatiques est un constat partagé par tous et toutes : mécanismes trop complexes, peu lisibles, exploitants non assurés et donc dénués de solution s'ils ne sont pas éligibles au régime des calamités agricoles. Nos agriculteurs souffrent de plus en plus du dérèglement climatique. Nous ne pouvons plus laisser des pans entiers de notre agriculture subir ces aléas majeurs, appelés à devenir de plus en plus réguliers et violents.

C'est pourquoi nous voulons saluer la volonté du Gouvernement de réviser une gestion des aléas climatiques jugée quasiment obsolète par la majorité des acteurs concernés. Il est vital que les inquiétudes légitimes de nos exploitants et futurs exploitants agricoles soient entendues. Elles peuvent en effet se traduire par un certain découragement des exploitants : on voit aujourd'hui, à l'occasion de la crise du prix du beurre, combien l'abandon des exploitations laitières, activité contraignante et mal rémunérée, peut mettre notre souveraineté alimentaire en péril.

C'est pourquoi l'objectif de généralisation du recours aux assurances est une bonne chose, sous réserve qu'il soit strictement encadré par la loi. Si nous comprenons la nécessité de recourir aux ordonnances sur certains aspects du texte – notamment la fixation des seuils de déclenchement – nous ne saurions donner un blanc-seing au Gouvernement pour mener à bien cette réforme qui, je le rappelle, est nécessaire et attendue.

La place centrale donnée aux assureurs privés dans le projet de loi ne doit pas conduire à leur garantir un soutien de l'État au détriment des agriculteurs. Nous entendons les arguments du secteur de l'assurance qui s'inquiète de la viabilité économique de cette activité. Toutefois, dans notre volonté de réformer la gestion des risques, nous ne pouvons leur laisser les pleins pouvoirs.

Nous regrettons également que cette réforme tant attendue comporte encore plusieurs inconnues : il est notamment dommage que le texte actuel prévoit d'habiliter le Gouvernement à légiférer par voie d'ordonnance pour la création du fameux pool d'assureurs permettant de garantir la mutualisation des données et des risques.

Cela fait des mois et des années que nous sommes alertés sur le montant trop élevé des franchises, ainsi que sur le coût des assurances. Nous demandons une mutualisation générale des calamités et la consolidation des financements des outils de prévention, afin de lutter efficacement contre les aléas climatiques.

Même si nous comprenons la volonté du Gouvernement d'inciter les agriculteurs à recourir à une assurance récolte, ce dispositif ne nous semble pas réaliste au vu du coût actuel des assurances, du montant des franchises à payer et des seuils de déclenchement qui sont jugés encore trop élevés par une majorité d'acteurs.

L'efficacité d'une telle réforme passera donc nécessairement par une intervention résolue de l'État, que ce soit par le biais des aides directes ou des négociations avec les assurances, afin de faire émerger des offres assurantielles abordables et sérieuses. Soutenir nos exploitants agricoles permettrait de lutter contre leur paupérisation dans un contexte où les catastrophes naturelles seront de plus en plus récurrentes.

Accompagner le monde de l'agriculture et ses acteurs face au dérèglement climatique représente l'un des défis majeurs de notre siècle. L'agriculture n'est pas un secteur d'activité comme les autres et nous devinons que le calendrier retenu pour la présentation du projet de loi n'est pas anodin. Toutefois, alors que les incidents climatiques deviennent de plus en plus fréquents, il est urgent que le Gouvernement écoute les propositions de tous les groupes afin d'apaiser les inquiétudes légitimes des exploitants agricoles. Ces derniers attendent de l'exécutif qu'il soit à la hauteur de la tâche.

Compte tenu des incertitudes relatives à l'application de ce nouveau système assurantiel, je ne m'opposerai pas à ce texte, mais je ne pourrai pas non plus voter en sa faveur.

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