Il y a toujours beaucoup à dire sur un amendement de suppression. J'essayerai de ne pas être trop long, sachant que nous venons d'évoquer le sujet que vous soulevez.
Si le dispositif était aussi favorable aux assureurs que vous le dites, ils seraient les premiers à le soutenir et à le promouvoir. Il ne vous aura pas échappé que ce n'est pas vraiment le cas. Au contraire, ils freinent des quatre fers : ils craignent de devoir supporter des obligations et continuer à fournir un produit qui ne leur permet pas de gagner de l'argent. À ce sujet, je m'étonne chaque fois que je vous entends – vous ou certains de vos collègues – parler des gens qui gagnent de l'argent. En quoi est-il problématique que quelqu'un s'enrichisse s'il rend un service de manière morale, avec le souci de satisfaire ses clients ? Je l'assume totalement : il s'agit bien de créer un dispositif dans lequel les assureurs, dont le métier est de couvrir des aléas, pourront dégager un résultat qui leur permettra d'investir, de payer leurs salariés, de prospecter et de prospérer économiquement.
Telle est bien la logique du texte. Pour autant, le dispositif n'est fait ni pour les gros, ni contre les petits. Le projet de loi est d'ailleurs soutenu par un syndicat représentatif, la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA). Vous avez souvent à cœur de décrier cette dernière, mais je vous rappelle que 60 % des agriculteurs votent aux élections des chambres d'agriculture, contre seulement 8 % de leurs concitoyens aux élections prud'homales, et que la FNSEA est largement majoritaire. L'État a peu d'interlocuteurs dont la représentativité est aussi avérée. J'ajoute que ce syndicat représente toutes les filières ; il compte des petits acteurs comme des grands, de toutes sensibilités politiques. Je m'inscris donc en faux contre vos propos : le dispositif n'est pas au profit des assureurs. Nous veillerons cependant à ce que la logique assurantielle n'aille pas au détriment des clients – nous en parlerons à l'article 7. Un groupement devra par ailleurs être créé, afin de développer une intelligence collective. Des garde-fous sont donc prévus, dans une logique de développement de marché.
Enfin, monsieur Potier, les contributions volontaires étendues – dites aussi contributions volontaires obligatoires, terminologie quelque peu contradictoire qui, je le reconnais, prête à sourire – sont définies par des interprofessions d'initiative et de droit privé : il n'appartient ni à l'État ni au législateur de leur dicter une assiette, un taux et un objet.
Je peux vous dire d'expérience qu'une interprofession est en équilibre instable. C'est comme un vélo : si elle n'avance pas, elle tombe, et moins l'État s'en occupe, mieux elle se porte.
Enfin, la solidarité nationale doit s'exercer hors secteur alimentaire. Il s'agit uniquement de venir au secours, de garantir le soutien de la nation à l'ensemble d'une chaîne de valeur qui écrase ses prix, ses salaires et ses marges depuis des décennies. On ne résoudra pas le problème en prenant de l'argent en aval, dans une filière où le rapport de forces est tel qu'en général elle récupère cet argent sur ses propres achats – c'est ce dont nous avons discuté à l'occasion de l'examen des lois EGALIM 1 et 2. Avis défavorable.