Monsieur Dufrègne, monsieur le président Chassaigne, je vous dirai deux choses. La première concerne les agriculteurs en difficulté, qui ne dégagent pas un résultat leur permettant d'avoir une stratégie incluant des souscriptions à des contrats d'assurance, voire d'épargner. C'est un drame bien réel de l'agriculture et ce projet de loi ne permet assurément pas de réparer cette injustice. Nous avons adopté des lois qui tentent de protéger le revenu agricole, mais les agriculteurs sont soumis à un rapport de forces économique qui leur est très défavorable et ce n'est pas avec un produit d'assurance que l'on protège un revenu. L'idée traîne, dans le monde agricole, que l'assurance doit pouvoir garantir une sorte de revenu minimum, mais personne ne calcule le taux de rentabilité d'un contrat d'assurance ! Personne n'attend une inondation, un incendie ou quelque autre événement que ce soit pour être remboursé de ce que lui coûte son contrat d'assurance habitation !
Il nous faut donc, humblement, être très clairs sur le fait que ce projet de loi n'est pas destiné à venir au secours du revenu agricole, mais d'une capacité de résilience : il s'agit de ne pas avoir à fermer boutique, mettre la clé sous la porte à l'occasion d'une catastrophe ou de la succession de quelques accidents climatiques. Je reconnais cependant, je le répète, qu'il existe des agriculteurs en très grande difficulté, à qui il sera difficile de souscrire un contrat d'assurance et d'avoir une stratégie – mais c'est une autre question.
Deuxième point : l'abattement de 50 %. Il s'agit là, il est vrai, de la réglementation européenne, mais si cette mesure ne figurait pas dans le texte européen, j'aurais tout de même souhaité qu'elle soit rédigée ainsi, car lorsqu'on demande aujourd'hui à des agriculteurs si l'assurance récolte doit être obligatoire, deux camps irréconciliables se dessinent, qui répondront chacun avec le même aplomb. Pour les uns, elle doit être absolument obligatoire ; pour les autres, c'est hors de question. Je respecte ces choix, qui sont déchirants dans le monde agricole. Si vous interrogez des viticulteurs des Pyrénées-Orientales – pas des gros : des petits, qui n'ont pas beaucoup de revenus –, les accidents climatiques qu'ils vivent dans le pourtour méditerranéen leur feront probablement dire qu'ils sont favorables à l'assurance obligatoire. En Bretagne, en revanche, il y a des chances que les agriculteurs vous disent que c'est hors de question. Il ne faut mépriser personne. L'assurance ne doit pas être obligatoire pour ceux qui considèrent qu'elle ne doit pas l'être, et chacun doit rester libre, mais il faut aussi dire à ceux qui voudraient qu'elle soit obligatoire que nous inciterons les agriculteurs à s'assurer et à définir des stratégies d'entreprise de calcul et de transfert du risque.