Intervention de Jeanine Dubié

Séance en hémicycle du jeudi 13 janvier 2022 à 9h00
Reconnaissance de l'endométriose comme une affection de longue durée — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJeanine Dubié :

Le corps des femmes nourrit un paradoxe : celui d'être omniprésent et pourtant invisible, objet de toutes les appropriations et pourtant lieu de tous les tabous. Qu'il s'agisse de la grossesse, des menstruations ou de la contraception, la santé sexuelle féminine dans son ensemble a trop longtemps été reléguée à la sphère privée, au lieu d'être considérée comme un enjeu médical et social ; le chemin est encore long.

Dans le cas de l'endométriose, la pression sociale, les jugements moraux et les non-dits dangereux ont longtemps contraint les femmes au silence. Ainsi, l'endométriose a été découverte en 1860 et pourtant son apparition dans le débat public ne remonte qu'à quelques années. Or il faut pouvoir l'affirmer haut et fort : non, cette souffrance n'est pas normale, elle n'est pas anodine et peut avoir des conséquences importantes sur la santé des femmes, mais aussi sur leur quotidien et leur parcours professionnel. La possibilité d'exprimer cette douleur est certainement la première étape à franchir pour améliorer le parcours des femmes. Les chiffres sont éloquents : une femme sur dix est atteinte d'endométriose, mais il faut en moyenne sept ans pour diagnostiquer la maladie, sept ans d'errance, de souffrances et d'incompréhension.

Le premier des obstacles à lever est celui du dépistage. Quelque 2,5 millions de femmes seraient atteintes d'endométriose, mais il est à craindre que ce chiffre soit sous-estimé du fait de la difficulté d'obtenir un diagnostic. J'insiste aussi sur le fait que l'endométriose n'est pas la seule pathologie gynécologique ; un dépistage précoce systématisé permettrait de mieux détecter ces pathologies et de mieux y sensibiliser les femmes. Cela ne sera possible qu'avec une meilleure formation des professionnels, ces maladies étant souvent méconnues ou mal prises en charge.

Le second obstacle concerne l'accompagnement des femmes, car c'est une maladie chronique, évolutive, dont on ne guérit pas.

Le premier enjeu est évidemment le soutien à la recherche, qui est insuffisant. Il nous faut mieux comprendre cette maladie et ses causes, et trouver des traitements thérapeutiques qui n'existent pas encore. Le soutien à la recherche est aussi important pour celles qui nourrissent un projet parental, puisque l'endométriose est la première cause d'infertilité. Nous prenons bonne note de la stratégie nationale présentée hier par Emmanuel Macron, qui repose notamment sur le lancement d'une vaste étude épidémiologique ; c'est un préalable.

Le deuxième enjeu est la prise en charge médicale des patientes, actuellement insuffisante et disparate. Toujours selon cette stratégie, chaque région devra identifier des filières territoriales de soins, avec au moins un centre de recours et d'expertise. Là encore, le groupe Libertés et territoires souscrit à cet objectif, qui permettra de mieux orienter les patientes, même si nous regrettons le caractère tardif de toutes ces annonces, attendues depuis 2017. Par ailleurs, il reste maintenant à savoir quand et comment ce plan d'action se concrétisera, et avec quels moyens. En outre, il reste insuffisant, car l'accent n'est pas mis sur le caractère invalidant de cette maladie dans la vie sociale et professionnelle des femmes concernées.

C'est en cela que la présente proposition de résolution, déposée à l'initiative de Clémentine Autain – que je remercie très sincèrement – et de son groupe qui l'a inscrite à l'ordre du jour de sa niche, est nécessaire. Elle vise la reconnaissance de l'endométriose en tant qu'affection de longue durée. La proposition de résolution de notre collègue Véronique Louwagie en septembre 2020, que j'avais cosignée, avait le même objectif. Je pense aussi à la proposition de loi de Stéphane Viry tendant à en faire une grande cause nationale en 2021.

Aujourd'hui, l'endométriose peut seulement être reconnue comme ALD 31, c'est-à-dire hors liste. Or les patientes qui bénéficient de cette reconnaissance représentent une proportion infime des femmes concernées. Les critères varient selon les départements ; ces inégalités territoriales ne sont pas acceptables. L'inscription sur la liste ALD 30 répondrait à un enjeu d'égalité et rendrait ainsi la prise en charge des soins systématique.

L'autre atout de la reconnaissance en ALD concerne l'évolution des femmes dans le milieu professionnel. Nombreuses sont celles qui ont été pénalisées dans l'avancement de leur carrière à cause de cette maladie chronique invalidante. La reconnaître comme une affection de longue durée permettrait une réduction du délai de carence pour l'arrêt de travail, ainsi que des aménagements de poste lorsque cela est possible. Plus généralement, l'inscription de l'endométriose sur la liste des ALD répond à un besoin de reconnaissance institutionnelle, la seule qui permettrait aux femmes de ne plus se voir opposer l'incompréhension de certains, que ce soit dans le milieu médical ou professionnel. Mais il faut aller plus loin !

Souhaitons que l'engagement du Président de la République à définir une stratégie nationale devienne opérationnelle le plus vite possible et ne soit pas seulement un effet d'annonce. Le groupe Libertés et territoires soutiendra la proposition de résolution, que de nombreux collègues du groupe ont cosignée.

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