Intervention de Ugo Bernalicis

Séance en hémicycle du jeudi 13 janvier 2022 à 9h00
Blocage des prix — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaUgo Bernalicis :

À 1 490 euros brut ; je vous propose de l'augmenter à 1 400 euros net. Ne faites pas comme si vous découvriez notre programme ! Si vous ne l'avez pas, il est en vente en librairie à 3 euros, je suis sûr que vous avez les moyens de vous le payer, cher collègue Balanant. Sinon, je vous l'offrirai.

Le blocage des prix offre une réponse à des problèmes concrets. Il faudrait bloquer non seulement les prix du gaz, de l'électricité et du carburant mais également ceux des produits de première nécessité. C'est le cas à l'île de La Réunion pour 153 produits, parmi lesquels figurent cinq fruits et légumes. Le blocage des prix de ces cinq fruits et légumes pose-t-il un problème sur l'île de La Réunion ? Des agriculteurs sont-ils spoliés ? Bien au contraire, ils sont heureux de participer à ce dispositif qui ne s'applique pas dans tous les territoires d'outre-mer ; tous les boucliers qualité-prix n'intègrent pas cinq fruits et légumes. Cette mesure est une innovation dont vous devriez vous inspirer. Elle permet aux petits producteurs locaux de commercialiser leurs produits de saison et de bonne qualité quand ils sont disponibles, accompagnés d'un affichage indiquant qu'ils sont placés sous le bouclier qualité-prix. En effet, jusqu'à présent, ils étaient évincés des circuits de la grande distribution car les agriculteurs ne disposaient pas d'un volume suffisant de marchandises et ne pouvaient les fournir de manière régulière.

Vous ne semblez pas connaître le dispositif, madame la ministre déléguée. La détermination du prix a-t-elle pour but de spolier les uns et les autres ? Non, absolument pas, le prix est fixé autour de la table dans les observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR) où sont réunis les producteurs, les intermédiaires, les distributeurs et des citoyens tirés au sort, à la suite de la mobilisation populaire et du mouvement des gilets jaunes – innovation expérimentée dans l'île de La Réunion, que nous proposons de généraliser.

Il est important de noter que ce dispositif fonctionne. Quand les personnes s'en plaignent, c'est parce qu'il n'est pas assez bien appliqué ou qu'il ne concerne pas suffisamment de produits ; ils ne critiquent pas cette mesure en tant que telle. Dans l'île de La Réunion, je n'ai pas constaté un marché noir des cinq fruits et légumes, il faut arrêter de raconter n'importe quoi. Il existe un marché noir quand les prix augmentent, pas lorsqu'ils sont bloqués à un niveau plus bas que celui découlant naturellement du marché – je mets le mot « naturellement » entre guillemets !

Les lois EGALIM – loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous – et EGALIM 2, qui prévoyaient une plus juste rémunération des agriculteurs, n'ont pas donné de résultat. Croyez-vous que l'augmentation du prix du beurre profite à ceux qui fabriquent le lait ? Ce n'est pas du tout le cas. Ce sont les règles du marché international – la loi de l'offre et de la demande que vous chérissez tant – qui conduisent à une augmentation du prix du beurre car il existe une forte tension sur le marché international en raison de la forte demande de la Chine. Ainsi, au bout du compte, en France, nous payons plus cher notre galette des rois. Est-ce logique alors que le coût de production du lait n'a pas changé ? Les vaches n'ont pas plus ou moins produit de lait, mais les données du marché international ont changé.

Vous pouvez vous satisfaire de cette situation en estimant que c'est normal car la fixation des prix dépend du marché. Mais le marché ne garantit pas l'accès à des produits de première nécessité, permettant de vivre dignement ; cet accès relève d'une mesure d'intérêt général. Notre proposition n'est pas très compliquée, je ne comprends pas que vous invoquiez des arguments aussi spécieux.

À la fin de votre intervention, vous avez évoqué la délocalisation. Comment fonctionnent les OPMR et le dispositif du bouclier qualité-prix ? Dans l'expression « bouclier qualité-prix » figure le mot qualité, cela ne vous aura pas échappé. Ainsi, la préfecture prend en considération des critères qualitatifs pour fixer la liste des produits. Parmi ces critères devrait figurer le caractère local du produit – vous pourriez donner des consignes aux préfectures en ce sens. C'est d'ailleurs grâce à ce dispositif que des productions ont été relocalisées dans les outre-mer ; nous n'avons pas importé ou délocalisé davantage du fait de l'application de cette mesure, ce n'est pas vrai, et son application sur le territoire national n'engendrerait pas une telle conséquence. Pour lutter contre les délocalisations, il conviendrait d'appliquer une politique nationale, par exemple en aidant les salariés travaillant dans une entreprise à la récupérer quand l'actionnaire s'en va car il veut obtenir 12 %, 13 % ou 14 % de rentabilité.

En 2012, le dispositif de blocage des prix s'est appliqué aux carburants, notamment en Guadeloupe, alors que les pétroliers faisaient du chantage, menaçant de ne plus assurer la fourniture du carburant, ce qui ne s'est jamais produit. On a demandé à consulter la comptabilité analytique des producteurs – cela doit vous parler, madame la ministre déléguée – et on a remarqué que la rentabilité de leurs capitaux propres s'élevait à 16 %.

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