Intervention de Guillaume Kasbarian

Séance en hémicycle du jeudi 13 janvier 2022 à 9h00
Blocage des prix — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuillaume Kasbarian :

Nous examinons une proposition de loi du groupe La France insoumise visant au blocage des prix. À travers ce texte, vous tentez de répondre à une préoccupation des Français, le pouvoir d'achat. Cette préoccupation est majeure et légitime, mais nous avons une stratégie très différente de la vôtre pour y répondre.

Au cours de ce quinquennat, nous avons fait le choix de favoriser le travail en baissant les cotisations. Nous avons supprimé 50 milliards d'euros d'impôts. Nous avons revalorisé les salaires de nombreuses professions. Ainsi, les soignants ont bénéficié du Ségur de la santé. Nous avons aidé ceux qui en ont le plus besoin, notamment en revalorisant l'allocation aux adultes handicapés ou encore le minimum vieillesse.

De fait, vous n'avez pas le même programme que nous. Vous souhaitez taxer les revenus jusqu'à 65 %. Vous voulez confisquer les successions au-delà d'un certain seuil. Vous souhaitez instaurer une super-TVA grand luxe. Vous voulez réquisitionner les bénéfices des fleurons économiques français. Et donc, dans la continuité de votre programme inspiré par les meilleurs économistes de la faculté de Caracas, vous exigez le blocage des prix.

Vous oubliez que l'État dispose déjà d'outils pour réguler les marchés et que notre majorité n'a pas hésité à les utiliser. Ainsi, pour diminuer la facture énergétique des Français, le Gouvernement a instauré un bouclier tarifaire temporaire sur le prix du gaz naturel. Pour prendre un autre exemple, lors de la crise sanitaire, le Gouvernement a régulé le prix de vente des masques et des gels hydroalcooliques. L'État dispose d'une législation qui fonctionne et qui lui permet, dans le respect des règles européennes, après consultation de l'Autorité de la concurrence et dans un cadre temporel gravé dans le marbre, de réguler le marché dans certains cas. Il n'y a donc aucun motif rationnel de modifier le cadre législatif.

Mais vous souhaitez inscrire dans la loi la possibilité pour un gouvernement, quel qu'il soit, de bloquer les prix dans tous les secteurs, sans aucune consultation ni aucune limite précise dans le temps. Je reconnais bien volontiers que cette radicalité est cohérente avec le reste de votre programme de rupture avec l'économie de marché. Mais notre modèle n'est pas le vôtre. Notre modèle n'est pas celui de l'économie administrée vénézuélienne, où le blocage des prix a conduit à des files d'attente monstrueuses dans les supermarchés, où les rayons sont quasiment vides, où le marché noir prospère, où la douzaine d'œufs s'échange sous le manteau à 3 dollars, le litre de lait à 3,9 dollars et le litre d'huile à 17 dollars.

Depuis des décennies, les économistes ont parfaitement documenté les effets délétères d'un blocage prolongé des prix. Ce blocage entraîne toujours une réaction en chaîne explosive. À la première étape, l'État bloque les prix sur un marché en prétendant protéger les consommateurs. À la deuxième étape, les producteurs arrêtent de produire et les vendeurs arrêtent de vendre, puisque cela signifie produire ou vendre à perte. La troisième étape, c'est la pénurie, qui se traduit par des files d'attente dans les lieux de vente ou par un rationnement de la consommation. La quatrième étape voit le développement du marché noir, où l'on vend des biens et des services sous le manteau à des prix exorbitants. La cinquième étape survient lorsque le monde merveilleux des prix bloqués s'arrête : les prix grimpent alors en flèche dans un rattrapage ultra-violent.

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