Vous considérez le blocage des prix comme un outil au service d'une politique anti-inflationniste, mais il ne saurait à lui seul tenir lieu de remède. Cette option pourrait être mise en œuvre à condition d'adopter une politique alternative, celle de l'autogestion. Chers collègues, nous ne pouvons pas échapper à la vérité : la mesure que vous préconisez nous embarquerait dans une folle aventure.
Le mécanisme de ce texte est simple : donner une portée très générale à des dispositions de blocage de prix réservées à un cadre exceptionnel et particulier. Comme cela a été dit en commission, le Gouvernement dispose déjà, dans la loi, d'outils pour réguler les prix. Vous lui reprochez de ne pas les utiliser. Il s'agit là d'une différence politique légitime entre ce que le Gouvernement et la majorité jugent bon de faire et ce que vous, La France insoumise, désirez appliquer.
Notre stratégie n'est pas de déstabiliser les marchés, comme vous le préconisez. Nous choisissons de renforcer le pouvoir d'achat par la baisse des impôts, la revalorisation des rémunérations, par des allocations et des services pour ceux qui en ont le plus besoin.
Je rappelle que la France connaît une augmentation de pouvoir d'achat de 8 % depuis 2017, en dépit d'une crise majeure – point que vous éludez dans votre critique de la situation économique actuelle. Le pouvoir d'achat a augmenté notamment grâce à une prime d'activité de 100 euros par mois pour les travailleurs les plus modestes, à la défiscalisation des heures supplémentaires et à la suppression des cotisations patronales au niveau du SMIC.
Au contraire, la pénurie, l'explosion du marché noir et l'hyperinflation sont les conséquences des mesures que vous proposez. Si les maux que vous identifiez sont réels, le remède offert ne ferait que les empirer.
Vous avez même voulu étendre la portée de votre proposition de loi lors de son examen en commission, en ajoutant les marchés de détail aux marchés de gros, pour que l'État puisse réguler plus encore notre économie. Or, nous connaissons les effets pervers de telles mesures. Des péréquations s'opèrent, qui font à leur tour grimper d'autres prix, les importations augmentent, les délais de paiement sont rallongés et il faut bien, au bout du compte, que quelqu'un paye. Vous proposerez sûrement que ce soit l'État – ou, autrement dit, le contribuable et nos générations futures, par l'impôt, ce qui ne ferait que différer le problème. Il faudrait également rembourser les opérateurs des pertes subies pour ne pas risquer des blocages d'approvisionnement.
Votre groupe, La France insoumise, réfléchit souvent avec un logiciel dans lequel la dette ne serait pas remboursée, ou n'existerait même pas, mais c'est prendre un risque qui ne nous semble pas raisonnable. Est-il bien utile de souligner, une fois de plus, l'incompatibilité totale de votre mesure avec les traités européens auxquels, comme vous le savez, nous sommes attachés ? Voilà encore une autre position qui nous différencie.
À cet égard, vous répondiez que les dispositions sur lesquelles vous vous appuyez constituent déjà une exception au droit européen, et qu'il est donc possible de passer outre. Or il est évident que, si ces mesures existent, c'est précisément parce qu'elles sont exceptionnelles. Elles sont permises parce qu'elles ne s'appliquent qu'aux outre-mer et à leurs marchés rendus particuliers par leur accessibilité plus difficile qu'ailleurs, par leur faible taille, qui les ferait peiner à atteindre la rentabilité sans ces mesures, et par le nombre restreint d'opérateurs, qui pourrait faire monter les prix. C'est donc grâce à leur spécificité que les mesures de blocage de prix existantes sont compatibles avec l'économie telle qu'elle existe et avec les traités européens. Or, c'est précisément cette spécificité que vous voulez faire tomber.
En conclusion, ce texte veut donner à l'État des pouvoirs étendus et dangereux, et il n'est pas applicable. Affirmer l'inverse, c'est mentir aux Français. Ajoutons à cela une touche de sensationnalisme, et je crains que nous ne trouvions les ingrédients de La France insoumise en campagne électorale. Cela ne grandit pas nos débats.