Nous la contestons, parce que la seule digue que vous relevez pour stopper la vague, c'est celle du contrôle, des amendes et de la matraque.
Mais qu'importe, admettons qu'il s'agisse de sauver des vies. Le pouvoir trouvera toujours de bonnes raisons. Il s'agira toujours, au nom du contexte sanitaire, de la sécurité, et peut-être, demain, de l'écologie, de sauver des vies. Le premier pas est franchi, le principe est admis et vous verrez : cette technique ira désormais en se raffinant. En mille endroits, sur mille critères – de santé, de diplôme, d'âge, de porte-monnaie, voire, sait-on jamais, de groupe sanguin –, nous serons triés par portable interposé, selon que nous sommes fumeurs ou non-fumeurs, buveurs ou non-buveurs, automobilistes ou non.
Quelle sera la limite ? Qui posera des limites ? Cédric O, secrétaire d'État chargé de la transition numérique et des communications électroniques, nous a livré la vérité : selon lui, « cette crise offre l'opportunité d'une transformation plus volontaire encore ». Cette transformation qu'il veut et que vous menez repose sur un mélange de technologie et de sociologie. Elle est le symbole de la start-up nation qui, avec opportunisme, impose ses applications à chaque instant de nos vies. Elle est le fait d'une hyperclasse de diplômés, de fortunés, de « numérisés », qui relègue comme sous-citoyens les « gens qui ne sont rien » – pas seulement les non-vaccinés, mais aussi les déconnectés, les modestes, les précaires, les gilets jaunes et les vaincus de la mondialisation, qui n'appartiennent plus pleinement à la nation. Voilà votre projet !
Nous sommes pour la plupart entrés ici il y a près de cinq ans. Ce dimanche, avec cette loi, vient sans doute l'heure du bilan, l'heure d'un bilan moral. Vous étiez des femmes et des hommes neufs, vous prétendiez incarner la société civile, vous alliez « renouveler la vie publique »… et à l'arrivée, je vous regarde comme Dorian Gray devant son portrait…