Intervention de Stéphanie Kerbarh

Séance en hémicycle du lundi 17 janvier 2022 à 16h00
Condamnation du régime d'alexandre loukachenko — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphanie Kerbarh :

Alexandre Loukachenko dirige la Biélorussie depuis 1994 et exerce son sixième mandat présidentiel, dans un État que l'on appelle parfois la dernière dictature d'Europe. Toutes les élections, depuis son premier mandat, ont été l'occasion de fraudes électorales ; Loukachenko n'a cessé d'accentuer sa censure de l'opposition et des médias. La situation s'est particulièrement aggravée depuis l'élection d'août 2020, qui a été suivie d'une vague de manifestations durement réprimées.

Depuis, Alexandre Loukachenko a accentué la répression : plus de 400 prisonniers politiques sont recensés. Les médias et opposants sont systématiquement censurés, je le répète, quand ils ne sont pas torturés et assassinés par le régime. Même les personnes ayant fui le pays ne sont pas à l'abri. Si un Biélorusse critique en dehors du pays le régime, celui-ci s'en prend à sa famille ou à ses proches restés sur place. L'objectif est d'éteindre toute parole populaire et de rendre toute contestation impossible.

Par ailleurs, Loukachenko ne craint pas de menacer l'Union européenne. Depuis quelques mois, le régime va chercher en Irak et en Syrie des personnes souhaitant émigrer en Europe et les pousse aux frontières lituanienne et polonaise, afin de déstabiliser l'Union européenne. Cette instrumentalisation d'êtres humains à des fins politiques est particulièrement odieuse. Aujourd'hui encore, plusieurs milliers de réfugiés sont massés dans les forêts entre la Pologne et la Biélorussie, par moins dix degrés – on relève de nombreux décès. En mai dernier, le régime a détourné un avion de ligne, un vol Ryanair reliant deux villes de l'Union européenne, Athènes et Vilnius, dans le seul but d'arrêter et d'emprisonner un journaliste présent à bord. Cet acte, commis au sein même de l'Union européenne, est un pas de plus franchi par le régime.

La proposition de résolution est donc particulièrement bienvenue. Elle a été cosignée par plusieurs députés du groupe Libertés et territoires et nous la soutenons pleinement. Nous saluons le travail de Frédéric Petit, qui défend cette cause et a conduit une mission auprès de l'opposition biélorusse en exil, avec notre collègue du groupe Libertés et territoires, Jean-Michel Clément. Une attention doit être prêtée au point 7 de la proposition. L'opposition biélorusse en exil, établie principalement en Pologne et en Lituanie, doit recueillir le soutien total des autorités françaises et européennes. Nous voulons en effet croire que cette situation n'est pas vouée à perdurer. La démocratie peut et doit exister en Biélorussie.

Mais il faut aussi voir plus loin. Derrière l'action biélorusse, c'est l'action de la Russie qui est inquiétante. La Russie, qui tient sous perfusion économique le pays, est en effet la garante du maintien de Loukachenko au pouvoir. Alors que nous discutons, elle a massé 100 000 soldats à la frontière ukrainienne et a envoyé plusieurs milliers de soldats réprimer les manifestations populaires en cours au Kazakhstan. S'il ne peut y avoir de paix sans paix avec la Russie, il ne faut pas se méprendre sur les intentions du gouvernement russe, qui cherche à conserver sa zone d'influence et à maintenir une situation de quasi-tutelle sur les anciens pays du bloc de l'Est. Il cherche aussi à déstabiliser les démocraties occidentales, notamment par la désinformation sur les réseaux sociaux. Une évolution positive de la situation en Biélorussie passe nécessairement par une négociation ou l'établissement d'un rapport de force avec la Russie, pour que celle-ci diminue son soutien au régime avec qui l'entente n'a pas toujours été franchement cordiale.

Pour rendre cela possible, l'Union européenne doit s'affirmer. Les sanctions prises contre les dirigeants biélorusses ont été un premier pas, mais il convient de les renforcer. Le nationalisme et l'autoritarisme gagnent du terrain partout dans le monde. La logique de realpolitik et des rapports de force entre puissances domine de nouveau les relations internationales, au détriment du multilatéralisme et des droits humains, qui sont relégués après d'autres priorités.

Dans ce contexte, l'Union européenne ne doit pas s'éclipser et disparaître du jeu international. Elle doit parler d'une voix forte et unie, et surtout ne pas abandonner les valeurs qui la fondent : le combat universel pour les droits de l'homme. L'indépendance stratégique européenne est un mantra répété depuis de nombreuses années. Il est temps de passer aux actes. Le repli des États-Unis nous montre que nous devons compter sur nous-mêmes, Européens. En définitive, ce qui se passe aux portes de l'Europe doit nous indigner et conduire à une réponse ferme de la part des autorités françaises et européennes. Il y va de la crédibilité de l'Union européenne comme puissance dans le monde. Le groupe Libertés et territoires est favorable à la proposition de résolution.

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