Intervention de Franck Riester

Séance en hémicycle du jeudi 20 janvier 2022 à 9h00
Discussion d'une proposition de résolution européenne — Présentation

Franck Riester, ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité :

Monsieur le député, comme vous le rappelez avec votre proposition de résolution européenne portant sur l'adoption d'une législation ambitieuse sur le devoir de vigilance des multinationales, la France est pionnière en la matière. C'est l'acquis de la loi du 27 mars 2017, qui était d'ailleurs votre initiative, et je vous félicite, cher Dominique Potier, pour l'ensemble des travaux que vous avez réalisés à l'époque et que vous continuez à mener depuis lors. Cette loi de 2017 a ouvert la voie à une nouvelle forme de régulation des activités des entreprises multinationales et de leurs filiales, ainsi que de leurs sous-traitants et fournisseurs. L'adoption d'une législation aussi ambitieuse était une première, non seulement en Europe, mais dans le monde entier. Elle vise à garantir que les droits sociaux et environnementaux soient respectés sur l'ensemble des chaînes de valeur.

Comme le Président de la République l'a rappelé hier devant le Parlement européen, le Gouvernement souscrit pleinement à la volonté que vous exprimez dans cette résolution de responsabiliser les multinationales. Notre objectif est clair : il s'agit de prévenir de façon effective les atteintes graves aux droits humains et à l'environnement. Cette ambition, nous la défendons au niveau européen depuis cinq ans et nous sommes d'ailleurs bien décidés à la porter haut et fort dans le cadre de la présidence française du Conseil de l'Union européenne, car il ne suffit pas d'être exemplaires en France : nous devons aussi nous assurer que tous ceux avec qui nous échangeons et toutes les parties prenantes de nos chaînes de valeur respectent, eux aussi, nos valeurs et nos biens communs. Il y va non seulement du respect des valeurs que nous défendons, mais également d'une concurrence loyale et équitable pour nos entreprises.

Cette exigence de cohérence entre nos échanges internationaux et notre engagement pour le développement durable est au cœur des priorités que nous défendons en matière de politique commerciale, en particulier dans le cadre de la présidence française du Conseil de l'Union européenne. Notre politique commerciale doit, bien sûr, rester ouverte. Elle doit aussi devenir plus ferme, moins naïve, pour mieux défendre nos intérêts. Nous devons œuvrer également à la rendre plus durable, plus responsable, dans la continuité du plan d'action CETA – Accord économique et commercial global – adopté par la France et du Pacte vert pour l'Europe. C'est le sens de notre engagement pour que, par exemple, l'accord de Paris soit une clause essentielle des accords commerciaux de l'Union européenne. C'est également en ce sens que nous soutenons la mise en place d'un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, afin de lutter contre les fuites de carbone. Enfin, nous souhaitons l'adoption d'un instrument de lutte contre la déforestation importée. Parmi nos priorités, la France souhaite faire avancer l'initiative législative sur le devoir de vigilance que la Commission doit présenter dans les prochaines semaines, afin de mettre en place un véritable cadre européen.

Vous pouvez compter sur le Gouvernement, sur moi-même, sur Olivia Grégoire, et sur l'ensemble de ceux qui, dans chaque filière, seront concernés de près ou de loin par cette priorité.

La future directive européenne sur la gouvernance de l'entreprise durable doit, en effet, établir une approche harmonisée du devoir de vigilance à l'échelle européenne. Elle devrait comporter des dispositions de vigilance raisonnable en matière environnementale, mais aussi concernant les droits de l'homme et des travailleurs, notamment sur la question du travail forcé, essentielle à nos yeux. Alors que la France a récemment accédé au statut de pays pionnier de l'Alliance 8.7, vous l'avez rappelé – le partenariat mondial contre le travail des enfants, le travail forcé, la traite des êtres humains et l'esclavage contemporain –, il est temps de redoubler d'efforts. C'est notamment à ce titre que nous soutenons la mise en œuvre au niveau européen d'une interdiction de la mise sur le marché intérieur de produits issus du travail forcé, que ce soit dans le cadre de la législation sur le devoir de vigilance, et j'insiste sur ce point, ou de manière ad hoc. D'ailleurs, la présidente de la Commission européenne l'a annoncé en septembre dernier, et nous devons désormais avancer et concrétiser la mise en place de cet outil.

Comme je le disais au début de mon intervention, la France a déjà fait école en Europe en matière de devoir de vigilance des multinationales, et notre législation a inspiré des initiatives similaires en Allemagne, aux Pays-Bas, en Autriche, en Finlande, en Belgique et au Luxembourg – nous pouvons en être fiers. Dans les faits, l'Europe – et cela lui est parfois reproché – est le seul espace économique et politique au monde qui mette les valeurs humaines avant les intérêts économiques. Dans cet esprit, nous considérons que notre politique commerciale est un véritable levier en matière de développement durable. Autrement dit, nous pensons que notre puissance commerciale permet la promotion et le respect de normes sociales et environnementales élevées. Nous sommes exigeants avec nos propres entreprises, il est donc naturel que nous le soyons aussi avec nos partenaires commerciaux.

Cette exigence, parfois critiquée, répond à une demande forte de la société civile ainsi qu'à l'engagement de toute une partie de cette dernière, très mobilisée sur ces questions. Vous avez parlé des ONG, des syndicats, des intellectuels et de bien d'autres acteurs civils qui veulent faire de ces thèmes une question européenne et qui formulent une attente parfaitement légitime de cohérence entre nos objectifs et notre action. Cette exigence est également un impératif en soi, car il y va tout simplement de l'avenir de nos biens communs : la prospérité, l'environnement, les droits sociaux et les droits de l'homme.

L'enjeu d'une harmonisation des législations en Europe est réel. Hier, la France était pionnière en Europe, aujourd'hui il appartient à l'Europe d'être pionnière dans le monde. Elle en a la capacité et l'opportunité, et la présidence française fera tout pour avancer en ce sens.

Il ne vous aura pas échappé que le Parlement européen, dans la résolution que vous avez mentionnée, a lui aussi encouragé la Commission à présenter dans les meilleurs délais une législation contraignante sur les multinationales en matière de devoir de vigilance. La France, l'Allemagne, les Pays-Bas et de nombreux partenaires européens partagent cet objectif. Bien sûr, la présidence de l'Union européenne que nous exerçons nous confère d'importantes responsabilités en matière de coordination des travaux européens pour avancer vers le consensus et faire avancer les dossiers. C'est pourquoi il me semble important de rappeler à la représentation nationale les points suivants.

À ce stade, les objectifs et les paramètres de la réglementation à venir n'ont pas encore fait l'objet de discussions entre les États membres au Conseil, d'autant que la Commission n'a pas encore présenté sa proposition ; elle devrait le faire le mois prochain. Nous devrons, pendant que nous exercerons la présidence, nous attacher à écouter les points de vue des différents États membres pour faire avancer ce projet et à trouver un équilibre entre les préoccupations exprimées, tout en soutenant l'ambition que nous avons en partage. C'est pourquoi je ne veux pas préjuger devant vous du détail de la future législation européenne que nous devons construire,…

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.