Intervention de Jean-Paul Lecoq

Séance en hémicycle du jeudi 20 janvier 2022 à 9h00
Condamnation des crimes perpétrés contre les ouïghours — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Lecoq :

D'autre part, nous l'avons déjà dit, ce genre d'initiative visant à dénoncer des génocides ou des crimes contre l'humanité participe d'une concurrence mémorielle malsaine – comme vient de le rappeler Clémentine Autain – et place les drames de peuples entiers sur des plans différents. Nous refusons cette logique.

C'est pourquoi, sans même préjuger du fond, nous estimons qu'il n'est pas sérieux d'instruire un dossier aussi complexe dans le cadre d'une proposition de résolution parlementaire.

Pour ce qui est de l'opportunité politique d'une telle action, ne soyons pas naïfs. Chacun sait que la Chine est devenue puissante parce qu'en y déménageant nos industries, les actionnaires ont dégagé des profits extravagants. Les communistes étaient les seuls à le dénoncer à l'époque !

Mais, finalement, l'atelier du monde n'est pas aussi docile que prévu. La Chine est devenue un rival systémique. Dans cette nouvelle guerre froide, de nombreuses forces économiques et politiques ont intérêt à faire de la Chine un État sanguinaire pour préparer l'opinion à la guerre économique, voire pire. Et il ne vous aura pas échappé que la situation au Xinjiang, bien qu'inquiétante et insupportable depuis plusieurs décennies, n'est devenue un sujet qu'à partir du moment où Trump a lancé la guerre commerciale contre la Chine.

Pour les députés communistes, être vigilants lorsque les Occidentaux va-t-en-guerre se prennent pour des missionnaires humanitaires, est un réflexe nourri par d'horribles souvenirs en Irak, en Libye et j'en passe. Mais attention à la confusion : dénoncer ces méthodes n'est pas soutenir la Chine ! Nous refusons ce piège binaire.

Sur le plan judiciaire, nous estimons qu'il convient d'enquêter avant d'accuser. Dans la mesure où la Chine n'est pas partie au statut de Rome, une saisine de la Cour pénale internationale (CPI) ne pourrait se faire qu'avec un vote au Conseil de sécurité des Nations unies, au sein duquel elle siège avec un droit de veto. Ce qui explique le blocage et la nécessité, comme pour la Syrie, d'instaurer un mécanisme international impartial et indépendant afin de rassembler toutes les preuves des crimes dont nous l'accusons.

Dans le cadre d'une audition menée par le bureau de la commission des affaires étrangères, j'ai appelé l'ambassadeur de Chine à ce que son pays ouvre les portes, accueille les enquêteurs, les laisse conduire des entretiens et circuler librement dans le Xinjiang. Si la Chine n'a rien à cacher, elle acceptera. Dans le cas contraire, les pires craintes demeureront et nous serons condamnés à errer dans le doute sécuritaire ou génocidaire.

Enfin, évoquons les faits. Vous le savez, la vérité est discrète : lorsque deux blocs s'affrontent, elle s'efface. Quelles certitudes avons-nous s'agissant de cette région ? Finalement, assez peu. Il semble établi que la réponse de l'État chinois a été extrêmement féroce face aux tensions ethniques, aux nombreux attentats mortels et au risque de l'importation dans la région du Xinjiang des conflits de pays qui lui sont frontaliers, comme le Pakistan et l'Afghanistan. Après les attentats de 2014, Pékin a instauré une « guerre du peuple contre la terreur », en organisant un quadrillage de la région, en emprisonnant à tour de bras et en instituant un système extrêmement strict de contrôle social et de discrimination raciale reposant sur un réseau de caméras de surveillance doté de puissants systèmes de reconnaissance faciale.

Le programme « Faire famille », en vertu duquel les Ouïghours doivent accueillir chez eux des fonctionnaires chargés de les surveiller, voire d'abuser de leurs hôtes, est absolument inacceptable. Nous dénonçons tout aussi fermement l'acculturation forcée des minorités en cours depuis cinquante ans.

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