Intervention de Michel Castellani

Séance en hémicycle du jeudi 20 janvier 2022 à 9h00
Urgence contre la désertification médicale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Castellani :

L'examen de ce texte permet de faire remonter une préoccupation lancinante dans nos territoires : la pénurie de médecins. Nous avons tous, peu ou prou, été interpellés à ce sujet. Nous savons les difficultés que rencontrent certains généralistes partant à la retraite pour trouver un remplaçant. L'évolution de la démographie laisse augurer d'une dégradation dans les toutes prochaines années.

Nous avons eu ce débat à plusieurs reprises dans l'hémicycle et le fait qu'il soit de nouveau au programme montre que les solutions actuelles ne sont pas suffisantes. En dépit des mesures adoptées sous ce quinquennat et sous les précédents, la désertification médicale s'aggrave. Elle s'étend à tous les territoires et à toutes les spécialités, remettant en question le principe constitutionnel d'égal accès aux soins.

Depuis 2012, la population concernée par un désert médical est passée de 7 à 11 % des Français. Tous les jours, nous devons composer avec un paradoxe : un nombre croissant de professionnels sont inscrits au Conseil de l'ordre des médecins, pourtant le temps médical disponible est en baisse. Nous faisons ces constats sur tous les bancs.

Nous devons nous attaquer de manière plus volontariste à ces inégalités de répartition. Les politiques d'incitation, en particulier d'incitations financières à l'installation, qui ont prévalu ces dernières années, se sont révélées insuffisantes pour inverser la tendance. Les collectivités s'y sont pourtant beaucoup investies. Dans certaines situations, ces mesures ont d'ailleurs alimenté des rivalités invraisemblables entre des collectivités désireuses d'attirer des praticiens sur leur territoire.

Nous reconnaissons néanmoins qu'au cours du présent quinquennat une mesure indispensable a été prise : le relèvement du numerus clausus. Mais les résultats de cette réforme ne se verront pas avant de nombreuses années alors que l'urgence est là, aujourd'hui, d'autant plus que si l'arrêté ministériel publié en septembre dernier prévoit une augmentation générale des étudiants de 20 %, elle n'est, dans certaines académies comme Poitiers ou Rouen, que de 1 ou 2 %. L'augmentation seule des effectifs ne suffira pas à résoudre l'inégale répartition.

Voilà pourquoi l'obligation de présence en zones sous-denses pour les internes et jeunes diplômés est une piste à approfondir. Nous savons que 75 % des médecins généralistes s'installent dans la région où ils ont soutenu leur thèse. Il faut donc pouvoir donner envie de s'installer ailleurs. Cela passe par la découverte des territoires.

L'autre disposition majeure de ce texte est évidemment le conventionnement sélectif en cas d'échec d'une grande négociation conventionnelle. D'autres professions médicales, par exemple les infirmières, ont prouvé qu'en passant par le dialogue, on pouvait favoriser l'accès aux soins sans remettre en cause la liberté d'installation.

Pour les médecins aussi, il est possible de trouver un équilibre. Ne cherchons pas à opposer vainement liberté d'installation d'un côté et protection de la santé de l'autre. Mettons tout le monde autour d'une table et discutons afin de trouver de nouveaux équilibres, un objectif vital à la fois pour les patients qui s'exposent à des pertes de chances importantes et pour nos professionnels de santé qui se retrouvent confrontés à une charge de travail immense.

Au-delà de ces mesures d'urgence sur lesquelles nous devons impérativement nous pencher, il nous faut réellement saisir l'évolution à l'œuvre dans notre société et reconnaître que la profession de médecin a changé. Les jeunes générations se tournent de plus en plus vers le salariat. Dès lors, nous ne pouvons plus appliquer les recettes d'hier, il nous faut trouver dès aujourd'hui des formes de travail plus adaptées.

Je tiens à souligner, pour conclure, que le problème de la désertification médicale ne se limite pas à la difficulté d'accéder à un médecin. Il faut plus largement s'attaquer aux inégalités sociales et territoriales dans la mesure où nous savons que le renoncement aux soins frappe davantage les personnes pauvres. La lutte contre la désertification médicale est donc un enjeu de santé publique mais aussi de cohésion sociale.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.