Intervention de Clémentine Autain

Séance en hémicycle du mardi 25 janvier 2022 à 15h00
Protection des enfants — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClémentine Autain :

Il y a quelques semaines, je recevais à ma permanence, à Tremblay, un groupe d'assistantes familiales qui me témoignaient à la fois la colère et le désarroi devant leur situation professionnelle. En Seine-Saint-Denis, leur nombre est passé de 800 à 470 pour toujours quelque 5 000 enfants placés à l'ASE, avec un âge moyen de 55 ans, des salaires maigres, très maigres, un travail qui ne connaît pas les week-ends, de nombreux frais qui ne sont pas remboursés à la hauteur du coût pour les familles – par exemple, avec 40 euros par mois pour habiller un enfant, surtout quand il est petit et qu'il faut souvent changer de taille, comment voulez-vous qu'elles s'en sortent ?

Pour cacher votre incapacité à investir, financièrement et dans l'humain, en raison de votre choix de l'austérité, vous nous présentez un texte qui n'est pas en mesure de mettre fin à une situation très préoccupante ni de venir en aide, partout, sérieusement, aux mineurs isolés qui sont en danger. Ce texte aurait pu être l'occasion de renationaliser un dispositif qui ne doit pas faire subir aux enfants les conséquences inégalités territoriales. Emmanuel Macron lui-même affirmait le 6 janvier dernier, prenant le contre-pied de sa politique depuis cinq ans, que cette responsabilité devait incomber à l'État. Dès lors, quelle surprise que tous nos amendements dans ce sens aient été rejetés !

Nous regrettons aussi que le texte n'interdise pas réellement le placement d'enfants dans les hôtels. Le dimanche 16 janvier, un jeune garçon de 17 ans est mort seul dans sa chambre d'hôtel, où l'avait placé l'ASE. Ces drames arrivent trop souvent et je note que l'étude d'impact du projet de loi souligne à raison que « le recours à l'hôtel porte une atteinte grave aux droits et aux besoins fondamentaux des enfants confiés à l'ASE ».

Mais en même temps, si j'ose dire, vous nous proposez un texte qui évoque une interdiction pour 2024, laquelle n'a d'interdiction que le nom car il y a tant d'exceptions que la règle en devient presque risible. La Défenseure des droits s'en inquiète à juste titre. Elle note avec justesse que les situations d'urgence et de recueil provisoire concernent le plus souvent des enfants en grande fragilité qui ont besoin d'un suivi très soutenu : mineurs en rupture familiale ayant fui leur domicile, enfants ayant eu un parcours migratoire traumatique. Elle s'inquiète également du cas des enfants très vulnérables, qui ont connu de nombreuses ruptures de placement et qui sont hébergés par défaut dans des hôtels, livrés à eux-mêmes, donc, alors qu'ils ont besoin d'un accompagnement renforcé. Dans les faits, ce sont les mineurs non accompagnés qui seront les plus touchés par cette interdiction.

Pendant ce temps, aucun moyen à la hauteur n'est mis sur la table pour que ces enfants puissent avoir des places d'hébergement ni pour réduire les délais d'exécution des décisions de placement des juges des enfants. Les enfants restent par conséquent en danger dans leurs familles, faute de place, et ils seraient, par exemple dans les Bouches-du-Rhône, plus de 750 en attente.

Nous regrettons par ailleurs que le texte ne réponde en rien au problème des sorties sèches de l'ASE à la majorité. Rien ne garantit en effet dans ce texte un accompagnement aux jeunes majeurs. Les dispositions prévues ne rendent pas obligatoire la prolongation des mesures de protection jusqu'à l'âge de 21 ans et la décision de prise en charge relève toujours de l'appréciation du président du conseil départemental.

Quant à la garantie jeunes, les dispositions du code du travail en rendent bien difficile l'application parce que, la Défenseure des droits l'a également souligné, ces jeunes ont besoin non seulement d'un accompagnement intensif vers l'emploi et d'une allocation – celle qu'on leur verse est dégressive, d'un montant équivalent à celui d'un RSA –, mais aussi d'un accompagnement réel, social et éducatif, vers l'autonomie.

Enfin, j'insiste sur le fait qu'avec ce texte, le Gouvernement continue à cibler les enfants étrangers. Alors que vous affichez une volonté de protection des enfants, les dispositions qui touchent aux mineurs non accompagnés relèvent davantage d'un contrôle migratoire que d'une réelle amélioration de leur protection. La tendance à la création d'un droit spécifique aux MNA, les éloignant du périmètre de la protection de l'enfance, et de plus en plus flagrante.

Les manques sont nombreux et ne nous étonnent plus. Où sont les dispositions pour consacrer la présomption de minorité, interdire les tests osseux ou encore le placement des enfants étrangers en centre de rétention administrative (CRA) ? Où est l'octroi de plein droit d'un titre de séjour pour les mineurs non accompagnés, pris en charge par les services de l'ASE ?

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