Intervention de Marie-George Buffet

Séance en hémicycle du jeudi 27 janvier 2022 à 9h00
Lois de financement de la sécurité sociale — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-George Buffet :

Depuis quarante ans, la gouvernance de la sécurité sociale a fortement évolué. Cette évolution s'est caractérisée par l'effacement progressif des représentants des travailleurs dans l'administration des caisses et par le renforcement du contrôle de l'État. La création de la contribution sociale généralisée (CSG), en 1991, a renforcé la fiscalisation des recettes et remis en cause la cotisation comme fondement du financement de la sécurité sociale. Les réformes de 1996, que ces textes viennent modifier, ont marqué une étape supplémentaire dans cette évolution avec la création des lois de financement de la sécurité sociale, soumises au vote du Parlement, et l'instauration de l'ONDAM, qui engendre une compression systématique des dépenses hospitalières, dont nous payons actuellement le prix. Ajoutons, enfin, la création d'une cinquième branche, dédiée à l'autonomie, en 2020, entièrement financée par l'impôt, à travers la CSG. Ces réformes successives, auxquelles les députés communistes se sont opposés, ont progressivement remis en cause l'autonomie de la sécurité sociale et renforcé la mainmise de l'État sur les comptes sociaux.

Les deux textes que nous examinons aujourd'hui, qui concernent l'organisation des débats parlementaires sur les lois de financement de la sécurité sociale, ne reviennent pas sur ces évolutions : au mieux, ils se contentent d'aménagements techniques, au pire, ils renforcent les logiques que je viens de décrire – l'étatisation rampante de la sécurité sociale et le contrôle accru des dépenses publiques.

Nous partageons toutefois un constat avec vous : le débat sur le budget de la sécurité sociale, qui a lieu chaque automne, n'est pas satisfaisant. Enfermé dans une procédure très stricte et des délais constitutionnels contraints, l'examen du texte fait peu de place aux initiatives parlementaires. Ainsi, on ne peut se satisfaire du dépôt tardif par le Gouvernement du PLFSS sur le bureau de l'Assemblée nationale, lequel laisse à peine trois jours pour étudier et amender le texte. Nous déplorons également les règles de recevabilité des amendements, qui sanctionnent les cavaliers sociaux et empêchent d'agir sur le niveau des dépenses sociales, lequel reste le domaine réservé du Gouvernement.

Sur ces différents points, la proposition de loi organique prévoit quelques mesures de simplification positives, notamment l'avancement du calendrier de dépôt du PLFSS au premier mardi d'octobre, qui donnera une semaine supplémentaire aux députés pour prendre connaissance du projet de loi. De même, les avis des caisses de sécurité sociale sur le PLFSS seront directement transmis au Parlement et non plus au Gouvernement.

Pour le reste, les dispositions contenues dans ce texte apparaissent dangereuses ou sans utilité réelle pour le débat public. Nous nous nous montrons circonspects quant à la création d'une loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale qui serait débattue chaque année au mois de juin. Calqué sur l'examen du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes, nous doutons de l'apport réel de ce débat d'évaluation pendant lequel les parlementaires se contenteront de voter des tableaux d'équilibre, sans possibilité d'amender le texte. Le Parlement ne peut se contenter d'être spectateur au prétexte que l'on fait mine de renforcer ses missions.

Plus grave, à la suite d'un amendement adopté en première lecture, vous prévoyez d'élargir le champ des lois de financement de la sécurité sociale à l'information relative aux comptes des régimes de retraite complémentaire et aux comptes de l'assurance chômage. En intégrant, même partiellement, ces régimes dans le champ des LFSS, vous vous attaquez une fois de plus aux prérogatives des partenaires sociaux, quelques mois après avoir imposé une réforme de l'assurance chômage sur laquelle ils n'ont pas eu leur mot à dire.

Enfin, nous sommes opposés aux dispositions relatives au renforcement du cadrage financier des dépenses sociales, qu'il s'agisse de l'alignement de la trajectoire budgétaire du PLFSS avec celle définie dans la loi de programmation des finances publiques ou de l'instauration d'un compteur des écarts entre les dépenses sociales prévisionnelles et les dépenses réellement engagées. Cette dernière mesure ne fera que renforcer la logique d'ajustement par la dépense du budget de la sécurité sociale, logique qui sert, depuis des années, à justifier des coupes dans les dépenses de santé et de retraite.

Pour toutes ces raisons, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine votera contre les propositions de loi.

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