L'aviation civile et la construction aéronautique sont des secteurs particulièrement importants en France, comme en témoigne la présence du ministre délégué chargé des transports à ce débat.
À l'heure où nous souhaitons tous la réindustrialisation de notre pays, il faut d'abord éviter que celui-ci ne perde ses dernières grandes filières industrielles. Rappelons que le premier constructeur mondial est Airbus, que le premier gestionnaire d'aéroport mondial est le groupe ADP, que la troisième compagnie aéronautique mondiale est Air France-KLM – trois entreprises françaises. Ce secteur contribue pour 4,3 % au PIB national et représente 320 000 emplois directs. En 2019, plus de 210 millions de passagers ont pris l'avion au départ ou à l'arrivée des aéroports français de métropole et d'outre-mer.
La desserte aérienne est vitale pour les outre-mer, où nous n'avons pas d'autres modes de transport pour rejoindre le territoire national. Les deux millions d'ultramarins – Français qui ne vivent pas sur le continent mais qui restent des citoyens à part entière – perçoivent assez mal que l'on applique des taxes et autres augmentations du coût des billets d'avion sans tenir compte de situation géographique de ces territoires.
L'avion offre aux citoyens et aux entreprises des liaisons régulières, rapides et une extraordinaire capacité d'ouverture et d'échanges en Europe et avec le reste du monde. C'est un vecteur indéniable de paix et de progrès. Il est donc indispensable que nous ayons en tête trois données : l'importance d'un secteur dans lequel nous sommes leader ; la gravité et la durée de la crise qu'il traverse ; les nécessaires mutations technologiques nécessaires à un développement durable.
Les compagnies aériennes ont connu une baisse de 40 % du trafic en 2021 par rapport à 2019. Cette crise va être plus longue que pour les autres activités économiques. Les compagnies que j'ai auditionnées dans le cadre de mon avis budgétaire pensent que le retour à une situation d'avant crise ne sera pas atteint avant 2027 ou 2028. Cela tient naturellement à la durée et à la gravité de la contraction de la demande pendant deux ans, mais aussi aux nouveaux modes de travail à distance.
Nous devons donc accompagner nos compagnies aériennes et l'ensemble du secteur de la construction aéronautique, afin d'éviter de fragiliser durablement ces entreprises qui ont déjà fait l'objet de mesures d'urgence.
Si la restructuration est en cours dans les compagnies nationales, elle ne l'est pas encore dans les compagnies régionales, notamment celles qui desservent les outre-mer – Air Austral, Corsair ou French Bee. Certaines de ces dernières ont bénéficié d'une aide d'urgence, à l'instar d'Air Austral qui a reçu 20 millions d'euros. Cependant, elles restent au cœur d'une grave tourmente financière liée à une dette devenue abyssale, qui ne pourra être résorbée par les compagnies elles-mêmes.
Quelle est la stratégie du Gouvernement pour assurer la pérennité des compagnies d'outre-mer, notamment Air Austral, qui sont indispensables pour la continuité territoriale et pour une juste et saine concurrence ? D'une manière plus générale, quelles décisions doivent être prises pour soutenir cette filière économique ?
Nous pouvons faire quelques propositions. L'écotaxe pourrait être fléchée vers la transition énergétique du secteur. L'incitation fiscale pour le renouvellement des flottes pourrait contribuer immédiatement à faire baisser la consommation de kérosène, les nouveaux avions consommant 30 % de moins que les anciens. Comme l'a indiqué Sylvia Pinel, l'introduction des biocarburants n'est viable que si sa production est soutenue plus massivement par l'État. Enfin, la modernisation du contrôle aérien français permettrait de réduire l'attente des avions avant atterrissage, donc la consommation de carburant.
La compétitivité du pavillon français passe aussi par des mesures budgétaires. Le budget de l'État pourrait ainsi prendre en charge la taxe de l'aviation civile (TAC) et de la taxe d'aéroport, au moins pendant le temps du redressement des compagnies, afin d'éviter de les faire peser sur le seul prix du billet d'avion.
Quant à la dette de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) et de la navigation aérienne, qui s'est accrue en raison de la crise du covid-19 au point d'atteindre le niveau record de 3 milliards d'euros, elle doit faire l'objet d'une renégociation avec l'État.
Le transport aérien reste un outil indispensable aussi bien à la continuité territoriale qu'à la reprise de l'activité touristique en France et dans les territoires d'outre-mer après la crise sanitaire. Nous devons améliorer toutes les continuités territoriales pour faciliter l'accès au transport aérien qui a pris le tournant de la décarbonation et du développement durable.
Plutôt que critiquer le transport aérien, nous devons surtout accompagner sa mutation et nous assurer de sa compétitivité. La poursuite de l'activité du secteur devra aller de pair avec celle de sa transition écologique, l'objectif étant d'atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050.
Comment le Gouvernement compte-t-il répondre aux défis auxquels est confronté le secteur aérien, à savoir la préservation de cette activité stratégique et la mutation technologique qu'imposent le traité de Paris et la prise en compte de la protection de notre environnement ?