C'est un fait, le nombre de SDF – sans-domicile fixe – et de personnes mal-logées ne cesse d'augmenter, ce malgré les places – plus nombreuses depuis le covid – débloquées par les associations qui les accompagnent. Leur nombre reflète des réalités, celles de familles, de retraités, de jeunes majeurs, qui doivent nous rappeler à notre mission d'élus de la République. Pour eux, nous devons agir, avec force. il faut que la politique du « quoi qu'il en coûte » revienne sur le devant de la scène et s'applique aux sans-abri et aux mal-logés.
Plus de 2 millions de personnes sont toujours en attente d'une place de logement social et plus de 4 millions sont mal logées. Certains ménages attendent toujours, alors qu'ils font partie des publics prioritaires et devraient pouvoir accéder à un logement en quelques mois. Face à ce triste constat, le Gouvernement se targue d'un rebond de 8 % dans la production annuelle de logements sociaux, en 2021, prenant pour référentiel l'année 2020, année catastrophique pour la création de logements. On peut même entendre madame la ministre déléguée chargée du logement défendre le bilan social du Gouvernement sur les plateaux.
Quelle ironie, quand on sait qu'en cinq ans, l'effort de la nation pour l'aide au logement a diminué, passant de 1,82 % à 1,63 % du PIB ! Quelle audace de se targuer d'avoir réussi, quand la Cour des comptes, rapport après rapport, fustige le Gouvernement pour son inaction en termes de politique du logement ! Le dernier en date, celui du 26 janvier 2022, épingle l'État, dont l'action ne permet pas l'effectivité du droit au logement opposable. Ce dispositif, unique au monde, tiré de la loi du 5 mars 2007, sous l'impulsion du monde associatif et de l'abbé Pierre, vise à confier à l'État l'obligation de loger rapidement les familles les plus précaires. Cette loi se fonde sur un postulat simple : il n'est pas supportable, pas acceptable, que des citoyens ne disposent pas d'un toit. Un pays comme la France se doit d'être à la hauteur des enjeux sociaux, dont le logement est une pierre angulaire.
Mais aujourd'hui, quels résultats ? Moins de la moitié des ménages reconnus éligibles au DALO ont été relogés dans les délais fixés par la loi, dont moins de 20 % en Île-de-France ! Telle est la réalité, mes chers collègues : un désengagement visible pendant la première année de la crise sanitaire, le secteur du logement social n'ayant bénéficié d'aucun plan de relance la première année. C'est une aberration sur le plan économique, alors que chacun connaît l'importance du secteur du BTP pour la relance, la transition écologique, et, bien évidemment, l'emploi. Pire, l'État prélève 1,3 milliard d'euros par an sur les HLM, pour compenser la baisse des APL – qui a marqué le début du quinquennat – touchant leurs locataires.
Quelle erreur politique et stratégique en matière d'investissements, puisque tout le monde sait que cela pénalise les bailleurs sociaux, censés investir pour rénover et entretenir un parc social parfois dégradé ! C'est également une erreur en termes de finances publiques, puisque, chaque année, l'État est contraint d'augmenter ses dépenses d'hébergement d'urgence : le numéro 115, qui fait appel au secteur hôtelier, coûte cher et est inadapté pour les familles, sans compter les astreintes qui sont de plus en plus lourdes.
Au lendemain des quinze ans de la mort de l'abbé Pierre, à la veille de la publication du rapport de la Fondation Abbé-Pierre sur l'état du mal-logement en France, qui, à n'en pas douter, reprendra une partie des éléments que je mentionne, les associations réclament la construction de 150 000 logements sociaux par an, dont 60 000 en prêt locatif aidé d'intégration (PLAI). Je retiens les mots suivants, prononcés par l'Abbé Pierre : « Peut-être le jour approche où ce sera possible, où cela apparaîtra comme une évidente nécessité de lancer quelque énorme emprunt sacré auquel il ne pourrait pas être touché pour autre chose que le logement ». Je suis l'élue d'un territoire où l'abbé Pierre a résidé, lui qui était un citoyen d'honneur de la commune d'Alfortville : son appartement est devenu une pension de famille et nous avons à cœur d'être fidèles à son engagement.
Dans beaucoup de territoires, les enjeux de mixité sociale demandent aussi la prise en considération des plus précaires et l'on ne saurait se réfugier sans cesse derrière la loi SRU car nous constatons que les communes préfèrent payer une sanction financière plutôt que d'accueillir des logements sociaux. Rappelons-le, le logement social, c'est 70 % des Français, c'est une grande partie des infirmières, des policiers, des gens qui travaillent tous les jours et qui étaient en première ligne. Ils sont nos premières lignes et nous sommes très nombreux à en faire partie. Dans la période décisive qui s'ouvre, le logement doit être l'un des acteurs majeurs d'une politique ambitieuse.