Le juge des enfants a le temps de revoir la famille, un an plus tard – puisque les mesures sont prononcées pour un an –, et de constater qu'elle n'a pas vu l'éducateur nommé un an plus tôt, parce que les services éducatifs n'ont pas la possibilité d'absorber le nombre de mesures prononcées.
Prenons un autre exemple, que je tire de ma propre expérience de juge d'application des peines. Bien souvent, des obligations de soins sont prononcées, notamment en matière de violences conjugales. Ce sont des dossiers extrêmement sensibles, pour lesquels tous les partenaires se mobilisent – et ils ont bien raison. Dans la commune d'Épinay-sur-Seine, pour les personnes condamnées qui sont soumises à une obligation de soins et qui souhaiteraient être suivies par le centre médico-psychologique (CMP), puisqu'elles n'ont pas les moyens d'être suivies par des psychologues ou des psychiatres libéraux, il y a un délai d'attente d'un an. Autant vous dire que pour moi et pour ces personnes, la mesure qui a été prononcée n'a plus de sens.
Un denier point que je trouve encore plus grave : le fait de pallier le manque des services publics. Je prendrai encore un exemple personnel : j'ai été juge d'instance à Bobigny, plus précisément juge des tutelles. Une fois, j'ai dû prononcer une mesure de protection pour une dame qui avait toute sa tête ; j'ai dû prononcer une mesure qui portait atteinte à ses libertés. Pourquoi ? Parce qu'elle est arrivée en pleurs devant moi en m'expliquant que si je lui retirais la mesure de curatelle qui avait été prononcée jusqu'alors, elle se retrouverait sans personne pour l'aider, puisqu'il n'y a plus d'assistantes sociales à Bobigny. Je trouve la situation extrêmement préoccupante : c'est clairement l'État de droit qui est menacé, puisque tous les services publics de Seine-Saint-Denis sont en souffrance et sont sous-dimensionnés.