Intervention de Albertine Munoz

Séance en hémicycle du lundi 31 janvier 2022 à 21h30
Évaluation du plan gouvernemental l'État plus fort en seine-saint-denis

Albertine Munoz, juge près du tribunal judiciaire de Bobigny :

Pour rebondir à mon tour sur la question des priorités, je fais exactement le même constat que M. Guermeur : dans la justice, aujourd'hui, tout devient prioritaire. Il est beaucoup question du droit pénal et de la répression, mais je veux également parler de la justice civile ; en effet, comme l'a très bien souligné M. le bâtonnier, la Seine-Saint-Denis est un département qui compte de nombreux habitants fragilisés et qui est en demande de justice : la population a besoin d'être soutenue et l'équilibre doit être rétabli. C'est le cas notamment en matière locative et aussi en ce qui concerne le surendettement ; mais actuellement, un habitant du 93 qui se trouve en situation de surendettement attend deux ans avant de passer devant le juge des contentieux de la protection, ce qui est complètement inacceptable. Par conséquent, je ne peux pas répondre à votre question et vous dire quelle est la priorité en matière de justice, parce que tout devient prioritaire.

Quant à savoir quel type de mobilisation pourrait être efficace, c'est là aussi une question qui nous préoccupe. C'est bien pour cela que nous avons publié une tribune dans un journal très médiatique : nous avons le sentiment que notre hiérarchie n'a pas la capacité de répondre à nos demandes. On peut aussi pointer le fait que le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), notamment, ne dispose d'aucune autonomie budgétaire, alors que c'est l'organe qui nous représente, nous les magistrats ; en France, les crédits alloués à la justice sont votés par les députés.

J'ai donc envie de me tourner vers vous et de vous dire : « Nous avons besoin de vous ! ». La justice a besoin que vous votiez des augmentations de budget pour disposer d'effectifs supplémentaires, que ce soit des magistrats ou des fonctionnaires de greffe. Sinon, on ne va pas s'en sortir ! Dieu sait à quel point nous retournons le problème dans tous les sens – les organisations sont sans cesse pensées et repensées – mais encore une fois, notre situation me fait exactement penser à ce que M. Guermeur décrivait dans la police : lorsqu'on renforce un service qui est en grande souffrance, on le fait en privant un autre service de ses effectifs, ce qui crée un cercle vicieux. Nous avons donc absolument besoin de moyens supplémentaires.

Tout cela pose aussi la question de savoir quel type de service public nous voulons en France : ce que nous sommes tous en train de dire, c'est que les services publics sont en train d'être vidés de leur sens.

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