Pardonnez-moi pour mes propos lapidaires mais je ne souhaite pas entrer dans un débat politicien tel que celui que je viens d'entendre. Je me fiche de ce qui s'est passé avant, j'ai grandi en Seine-Saint-Denis, j'y vis et je continue de m'y battre. Très franchement, je n'ai pas le sentiment que, sous ce quinquennat – pas plus que sous les précédents –, la situation se soit améliorée.
La Seine-Saint-Denis, c'est, par rapport au reste du pays, deux fois et demie plus de personnes qui vivent dans un QPV, trois fois plus d'enfants en ZEP – zone d'éducation prioritaire –, 30 % de médecins en moins et deux fois plus de pauvreté. C'est aussi le département de France où la délinquance est la plus élevée.
Face à cette situation, François Cornut-Gentille l'a rappelé, l'État est défaillant. Il a rompu avec l'égalité républicaine, non pas depuis cinq ans mais depuis vingt-cinq ou trente ans. Quand j'étais môme, c'était déjà ainsi. Tous les élus de Seine-Saint-Denis, quelle que soit leur couleur politique, poussent le même cri : donnez-nous la même chose qu'ailleurs ! Je fais un rêve : que, lorsqu'on parle de la Seine-Saint-Denis, on ne soit pas face au ministre chargé de la ville. Cela signifierait que les politiques menées dans ce département sont les mêmes qu'ailleurs. Or ce n'est pas le cas aujourd'hui – mais ce n'est pas de votre faute, à titre personnel, madame la ministre déléguée, ni de celle de votre majorité.
Notre département compte moins de magistrats aujourd'hui qu'hier. Vous avez mentionné le recrutement de quatorze magistrats. Or ils avaient été nommés, en tant que remplaçants, par M. Urvoas lorsque celui-ci était garde des sceaux. Leur emploi a finalement été pérennisé mais ils étaient déjà là il y a plus de cinq ans. On avait besoin d'eux pour rattraper le retard car, par exemple, il fallait plus de deux ans pour obtenir une première audition avec un juge des divorces. Voilà la réalité.
Nous ne sommes pas à la hauteur des enjeux, pas à la bonne échelle. Je ne dis pas que vous pouvez créer des magistrats en trente secondes. Cependant il manque aujourd'hui 60 à 80 magistrats et 150 à 200 greffiers – les intervenants l'ont dit tout à l'heure.
Vous affirmez avoir fait un effort de rattrapage : c'est vrai. On a donné 20 millions aux collectivités pour la construction des écoles ; vu qu'il y a quarante communes, cela fait 500 000 euros par commune, soit une classe par ville. Pendant ce temps, l'État s'est accordé 100 millions pour ses propres bâtiments.
S'agissant des BAC, je posais déjà la question en 2018. Pour les renforcer, on n'a pas ajouté des effectifs supplémentaires – vous avez parlé de 337 policiers en plus, mais je ne sais pas où ils sont, je n'en ai pas vu un seul au commissariat de Drancy : on a déshabillé d'autres unités.
En matière de santé, s'agissant notamment des hôpitaux, la situation est catastrophique. On a découvert, à l'occasion de la crise sanitaire, que les lits de réanimation sont moins nombreux en Seine-Saint-Denis que dans les Hauts-de-Seine ou à Paris, alors même que la population y est plus pauvre et porteuse de polypathologies. Des quartiers entiers sont restés sans un seul médecin généraliste, sans parler des spécialistes. L'État agit dans ce domaine, mais les effets de cette action mettront du temps à se faire sentir.