Intervention de Christophe Naegelen

Séance en hémicycle du mardi 1er février 2022 à 15h00
Influence de la diplomatie française

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Naegelen :

La diplomatie d'influence s'affirme aujourd'hui comme un élément à part entière de notre politique étrangère. Elle devient à la fois un enjeu de compétition internationale et une source de puissance, au même titre – voire davantage – que la force militaire. D'un côté s'étend le domaine de la contrainte, de la force et de l'action ; de l'autre se situe le registre de l'autorité, de la persuasion, des valeurs et des principes.

Si nous partons du postulat que la puissance se détient, que le pouvoir s'applique et que l'influence s'exerce, un constat majeur s'impose d'emblée : l'influence de la France dans le monde recule indéniablement. Ce recul s'explique par une crise des moyens de la puissance et de l'autorité morale du pays.

Dans cette feuille de route, on trouve des objectifs et des actions ambitieuses dans certains domaines, comme la francophonie. On y trouve aussi un portrait plutôt idéalisé des manifestations de l'influence française sur la scène internationale. Au-delà des mots, le maintien de la France sur cette scène dépend notamment des moyens et de l'ambition qu'elle se donne en matière d'attractivité. La diplomatie culturelle et les échanges touristiques ne doivent pas servir de variables d'ajustement budgétaires.

Ils ne sont pas davantage des acquis. Malgré la crise sanitaire qui a entraîné une chute de 74 % du tourisme mondial en 2020, la France a tout de même conservé sa première place sur le podium des destinations touristiques, avec 42 millions de touristes étrangers, devant l'Italie et devant le Mexique. Il faut tout faire pour consolider cette position.

Autre condition de ce maintien : les partenariats que noue notre pays. Rappelons que la France possède le troisième réseau diplomatique mondial, juste derrière les États-Unis et la Chine. Présent dans 160 pays, le réseau diplomatique français s'appuie sur une diaspora de 2,5 millions d'expatriés. La France peut se targuer d'être présente sur de nombreux théâtres régionaux, notamment grâce à ses territoires ultramarins qui représentent une zone économique exclusive très importante – mon groupe parlementaire, qui compte les deux députés de la Nouvelle-Calédonie et une députée de la Polynésie, est très attaché aux outre-mer.

Malgré tout, la France est moins audible sur la scène internationale : l'imbroglio des sous-marins australiens a été révélateur d'une perte d'influence française et a laissé des traces dans les relations bilatérales entre les puissances mondiales. L'Allemagne est considérée comme l'État le plus influent d'Europe par les Européens, devant le Royaume-Uni et la France – qui vient juste après. Si la diplomatie française dispose de nombreux atouts, il faut que son horizon soit fondamentalement européen, surtout dans le contexte de la présidence française du Conseil de l'Union européenne en ce premier semestre 2022.

Tant la crise à la frontière ukrainienne que la situation des Ouïghours – que nous évoquons régulièrement dans cet hémicycle – sont la preuve flagrante que notre diplomatie, dans cette feuille de route, doit être fondamentalement européenne. Nous sommes convaincus que c'est uniquement avec l'Europe que nous pourrons répondre aux trois urgences internationales majeures : l'urgence technologique – pour que nous ne devenions pas une colonie numérique –, l'urgence climatique bien sûr, et l'urgence africaine, que la feuille de route a identifiée. Envers l'Afrique, il nous faut une vision nouvelle de notre coopération en réinvestissant tous les leviers d'influence dans un véritable partenariat.

J'espère que les débats électoraux des prochains mois nous donneront l'occasion de réinventer une certaine idée de la France, de déterminer ce que nous voulons faire avec quels partenaires, et quels principes nous voulons défendre. Comme vous le soulignez, monsieur le ministre, nous devons construire un nouvel humanisme qui saura s'adapter aux bouleversements technologiques, environnementaux et géopolitiques du XXIe siècle, et donc aux trois urgences que j'ai évoquées.

En août 2019, vous avez affirmé à la conférence des ambassadeurs qu'il n'y a plus de soft power, mais qu'il n'y a que du hard power. Permettez-moi de paraphraser le célèbre théoricien Joseph Nye : tout l'enjeu pour un État, finalement, c'est de savoir user de smart power en combinant à bon escient le hard et le soft power.

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