La politique extérieure de la France est dans l'égarement. Le renvoi de l'ambassadeur de France au Mali par les autorités maliennes en raison de vos récents propos, monsieur le ministre, deux jours après que le porte-parole du gouvernement de transition du Mali a demandé à la ministre des armées de la France de se taire, n'est pas une anecdote. C'est un tournant de l'histoire de la présence française en Afrique. La France perd pied.
Depuis plusieurs années, partout notre pays se comporte de manière arrogante et belliqueuse. Pas un conflit sur notre planète sans des armes made in France pour l'attiser et le rendre plus meurtrier. Du Yémen à l'Éthiopie, de la Birmanie au Sahel, du Haut-Karabakh à la Libye, notre pays arme très fréquemment le bras de la mort. C'est la signature française de ce début de siècle – quel malheur !
Que dire de la violence de nombreuses dictatures que nous soutenons avec armes, logistique, renseignement et personnel humain contre la liberté des peuples, contre la dignité des femmes et des hommes de ces ailleurs maltraités ? Pour ces gens d'origine étrangère – les migrants – sans autre solution que de venir tenter un projet de vie en France, la maltraitance d'État. Mais pour les beaux yeux pleins de pétrole, de dollars et de contrats d'armement d'un dictateur ? La Légion d'honneur et les ors de la République, du Quai d'Orsay à l'Élysée.
Que d'égarements ! Voilà bientôt cinq ans, en réalité, que notre pays a deux ministres de la guerre et aucun de la paix. Bientôt cinq ans que notre pays aime se payer de jolis mots et de beaux discours, en parfaite contradiction avec ce qu'on constate sur le terrain. Notre diplomatie est pourtant dotée d'atouts exceptionnels, mais qu'en avez-vous fait ? Qu'en faites-vous ?
J'entends déjà vos arguments sur la Realpolitik, sur ce monde difficile où les valeurs universelles que devrait défendre notre pays ne remplissent pas les poches. Mais votre diplomatie de la Realpolitik montre des résultats tout aussi catastrophiques. En cinq ans : ni les valeurs, ni les principes démocratiques, ni la balance commerciale !
La politique extérieure française est dans l'égarement : égarement lorsqu'elle poursuit, à l'encontre du droit international et en connaissance de cause, la vente assassine d'armes qui finissent par tuer les enfants du Yémen, péché originel du quinquennat ; égarement lorsque l'ambassadeur de France au Togo porte plainte contre deux journaux d'opposition de Lomé pour des articles qu'il considère comme n'étant pas assez respectueux des politiques de la place parisienne, conduisant ainsi à la suspension de leur publication – étrange conception de la liberté de la presse ; égarement lorsque vous prenez l'habitude de soutenir le troisième mandat de chefs d'État devenus dictateurs qui n'en demandaient pas tant à la France ; égarement criminel lorsque notre pays se refuse à reconnaître la terrible bavure commise par notre armée au Mali qui, en janvier 2021, a coûté la vie à dix-neuf civils à Bounti d'après une minutieuse enquête menée par les Nations unies – rien d'étonnant à ce que le gouvernement de transition humilie ensuite quotidiennement le drapeau bleu, blanc, rouge ; égarement lorsque vous vous affichez trop précipitamment au Tchad aux côtés du dernier chef de guerre autoproclamé chef d'État ; égarement lorsque vos services fabriquent un sommet françafricain de la com tout à la gloire d'un Président de la République bien solitaire à Montpellier ; égarement encore, monsieur le ministre, lorsque vous mentez devant la représentation nationale en faisant passer trois eurodéputés catalans pour des repris de justice alors qu'ils n'ont même pas été jugés ; égarement lorsqu'un contrat de vente aux Australiens mal ajusté nous ridiculise dans ce qui est devenu l'affaire des sous-marins ; égarement lorsqu'une grande entreprise française est autorisée à commercer avec la junte militaire birmane assassine ; égarement lorsque les autorités françaises laissent nos forces armées participer en Égypte, au nom de la lutte contre le terrorisme, à l'opération barbouze du nom de Sirli sans jamais la dénoncer ; égarement toujours lorsque la France continue à vouloir se faire faiseuse de rois au Cameroun. Je pourrais poursuivre cette énumération, car l'égarement est partout.
Notre crédibilité auprès des autres peuples de la planète s'amenuise de jour en jour. Nos valeurs sont trahies. Et vous osez après cela appeler de vos vœux un nouvel humanisme du XXI
Oui, monsieur le ministre, vous vous êtes égaré, mais je ne vous demanderai pas de démissionner car en réalité, vous l'avez déjà fait depuis bien longtemps.