L'influence d'une puissance se mesure entre autres par sa capacité à imposer un référentiel, constitué de sa propre culture et de sa propre langue. Or on observe que la France utilise de plus en plus fréquemment la langue de nos concurrents : en renforçant leur influence, on réduit mécaniquement la nôtre.
Parmi les tendances notables des pratiques françaises, figure une anglicisation croissante. Ainsi, l'initiative multilatérale française en faveur du climat a été baptisée One Planet Summit, tandis que celle intitulée « Make our planet great again » visait à accompagner les investisseurs étrangers dans la transition écologique. Le sommet d'attractivité de la France se nommait Choose France. Le programme de l'AFD pour soutenir les entrepreneurs africains a lui aussi été conçu dans la langue de Shakespeare et s'appelle Choose Africa. Le guichet d'accompagnement à l'export de la France se nomme Team France Export.
Visiblement encouragées par cette anglicisation, les collectivités territoriales s'essayent aussi – curieusement – à l'anglais. Ainsi, la région Grand Est a baptisé son grand plan de relance de l'investissement Business Act, s'adressant ainsi aux acteurs régionaux.
Cette tendance est d'autant plus curieuse et contre-productive que ces anglicismes sont utilisés pour évoquer l'influence française dont nous débattons aujourd'hui. D'après la feuille de route, il y aura 750 millions de locuteurs francophones potentiels en 2050. Comment rendre notre langue attractive si nous-mêmes faisons la promotion de l'anglais ? Le remplacement de la langue française par la langue anglaise est illustré de manière évidente par l'usage du français à la Commission européenne, par exemple : 2,5 % des textes sont actuellement écrits en langue française, contre 60 % en 1960 et 34 % en 1998.
Monsieur le ministre, êtes-vous préoccupé par le fait que ces anglicismes desservent notre stratégie d'influence ? Comment entendez-vous lutter en faveur de l'usage du français au sein de votre propre administration, notamment pour les noms donnés à nos initiatives d'influence ? Enfin, que compte faire la France, qui occupe la présidence de l'Union européenne, pour renforcer l'usage du français en Europe ?