Merci de nous inviter à réfléchir à la politique énergétique, qui a toujours été au cœur de la construction européenne, depuis la création de la Communauté européenne du charbon et de l'acier, la CECA, en 1951 jusqu'au Pacte vert pour l'Europe, qui, aujourd'hui, nous trace la voie pour revoir en profondeur notre mix énergétique et arrêter progressivement l'usage des combustibles fossiles.
En somme, si l'énergie est restée, pour une majeure partie, une compétence aux mains des États membres, elle joue de longue date un rôle d'accélérateur du projet européen. C'est à nouveau le cas aujourd'hui : avec son ambition climatique renouvelée, l'Europe a l'opportunité de se réinventer en devenant le premier continent neutre en carbone à l'horizon 2050 et en assurant sa souveraineté énergétique, dont l'actualité récente nous montre toute l'importance, a fortiori au moment où la crise des prix de l'énergie, et en particulier du gaz, pose des questions lourdes, tant pour ce qui concerne, au quotidien, les citoyens, les entreprises et les acteurs publics, que pour ce qui touche à notre autonomie en termes d'approvisionnement.
Pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre de 55 %, d'ici à 2030, nous devons faire évoluer notre secteur énergétique. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : aujourd'hui, la production et la consommation d'énergie représentent 75 % des émissions de gaz à effet de serre européennes. Si, donc, nous voulons opérer cette transition énergétique ambitieuse, nous devons commencer par décarboner l'ensemble de notre économie.
Face à ce défi, l'Europe se dote d'une stratégie fondée sur deux mots d'ordre. Le premier est l'ambition car, pour atteindre nos objectifs climatiques, revus à la hausse, nous devons redoubler d'efforts et opérer une transformation systémique de notre politique énergétique. Le deuxième est la cohérence : en effet, dans la stratégie globale que nous souhaitons mettre en place, il nous faut actionner tous les leviers et faire en sorte que l'ensemble de nos politiques européennes soient en ligne avec nos objectifs énergétiques.
Cet équilibre, nous le recherchons à chaque instant, et la secrétaire d'État à la biodiversité en a parfaitement conscience, car le développement des différents types d'énergie doit toujours se faire en prenant en compte les conséquences environnementales.
C'est l'objet même du paquet législatif Fit for 55 – ajustement à l'objectif 55 –, proposé par la Commission européenne en juillet dernier : il concerne tous les secteurs producteurs et consommateurs d'énergie, l'idée étant que, puisqu'il n'existe pas de solution unique, tous les leviers doivent être actionnés, de la réglementation à la fiscalité, en passant par les systèmes d'échanges de quotas et les dispositifs d'incitation. Il englobe aussi l'ensemble des gaz effet de serre, comme le méthane ou les oxydes nitreux émis par l'agriculture, et traite des puits de carbone. Enfin, il comprend des propositions fortes en termes de financement.
On le voit, la démarche s'inscrit dans le souci de cohérence qui doit animer notre politique énergétique au travers des différents secteurs et des différentes filières.
Dans la perspective qui est la sienne, l'Union européenne a fait de l'efficacité énergétique la première de ses politiques, afin de réduire ses émissions, et d'atteindre, in fine, la neutralité carbone en 2050. En effet, l'énergie la moins polluante reste celle que l'on ne consomme pas.
Par ailleurs, l'efficacité énergétique est aussi un levier primordial pour réduire la facture énergétique de nos concitoyens et pour limiter notre dépendance aux marchés internationaux de l'énergie.
Afin de soutenir cette action de forte, une proposition de révision de la directive sur l'efficacité énergétique a été publiée le 14 juillet dernier par la Commission et est en cours de négociation au sein du Conseil de l'Union européenne. Ce projet est complété, entre autres, par un projet de directive sur la performance énergétique des bâtiments, rendu public en décembre dernier et dont nous commençons l'examen. Le texte a déjà fait l'objet d'échanges informels entre les ministres européens de l'énergie, réunis il y a une dizaine de jours à Amiens, et nous avons pour ambition, dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne (PFUE), d'atteindre un accord d'ici au mois de juin.
Parmi les autres leviers essentiels figurent notamment la codification du principe de primauté de l'efficacité énergétique, pour permettre la prise en compte systématique de cette dernière dans l'ensemble de nos politiques publiques, nationales et européennes ; un rehaussement de l'objectif d'efficacité énergétique pour 2030 inscrit dans la directive ; la mise en place d'obligations annuelles d'économies d'énergie, pour chaque État membre ; ou encore la réduction des dépenses d'énergie dans les bâtiments, dont la consommation représente 40 % de l'énergie que nous utilisons en Europe, soit un tiers de nos émissions de gaz à effet de serre.
Dans cette optique, il est primordial d'accélérer le rythme de leur rénovation et de renforcer nos exigences de performance énergétique, comme l'a proposé en décembre la Commission.
À côté de la réduction de notre consommation d'énergie, la décarbonation de notre mix énergétique constitue le second pilier de la stratégie énergétique européenne. Cela passe, avant tout, par un développement ambitieux de nos énergies renouvelables, pour qu'elles se substituent progressivement aux énergies fossiles. Nous défendons également la possibilité pour les pays qui le souhaitent de pouvoir continuer de recourir à l'énergie nucléaire, qui restera pour la France un élément important dans les décennies à venir.
Conjuguer de manière équilibrée la sobriété, l'efficacité énergétique, le développement des énergies renouvelables et l'usage de l'énergie nucléaire est d'autant plus essentiel que la crise actuelle des prix de l'énergie nous rappelle la fragilité de l'Europe, dépendante d'énergies fossiles importées.
À terme, structurer des filières européennes, à la fois garantes d'une meilleure indépendance énergétique et créatrices d'emploi, sera donc primordial et d'autant plus opportun que le coût des énergies renouvelables ne cesse de baisser.
Dans ce contexte, l'Union européenne travaille actuellement à rehausser son ambition en matière de déploiement des énergies renouvelables. L'objectif actuel, vous le connaissez : c'est d'atteindre 32 % de notre consommation énergétique finale issue de renouvelables d'ici à 2030. Or, pour que nous ayons toutes les chances de réussir à réduire nos émissions de 55 % d'ici à 2030, la Commission européenne propose de relever cet objectif à 40 %. Le Gouvernement soutient cette ambition renforcée, primordiale pour avancer plus vite dans la voie de la décarbonation.
Nous aurons donc à cœur de faire progresser les discussions sur le déploiement des énergies renouvelables et décarbonées pendant notre présidence du Conseil de l'Union européenne, au travers de textes comme la révision de la directive sur les énergies renouvelables, ou les projets de règlement sur les carburants pour l'aviation ou le secteur maritime.
Enfin, sans pouvoir tout aborder, je souhaite dire quelques mots sur un autre aspect de la stratégie de décarbonation de l'Union européenne, qui reposera sur une technologie d'avenir : l'hydrogène renouvelable et bas-carbone. En soutien aux énergies renouvelables, le recours à l'hydrogène sera en effet un atout majeur pour les secteurs les plus difficiles à décarboner, comme l'industrie ou la mobilité lourde.
En la matière, notre pays, avec, d'une part, sa stratégie de développement de l'hydrogène décarboné lancée en 2020, et, d'autre part, le plan d'investissement France 2030, est déjà en pointe.
Cela étant, le développement de la filière de l'hydrogène devra aussi et surtout se faire à l'échelle européenne, pour nous assurer de disposer d'une chaîne de valeur de l'hydrogène complète et souveraine. Pour ce faire, une législation est en préparation afin d'encourager le développement de l'hydrogène. La Commission européenne a ainsi publié, en 2020, sa propre stratégie, où elle prévoit que la part de l'hydrogène dans la consommation d'énergie européenne monte à 14 % d'ici à 2050, contre une part infime aujourd'hui.
De même, la révision en cours de la directive relative aux énergies renouvelables, que j'évoquais tout à l'heure, prévoit des objectifs de développement de l'hydrogène renouvelable dans l'industrie et les transports.
La Commission européenne a également proposé, le 15 décembre dernier, un paquet législatif qui vise à mettre en place, à compter de 2030, un cadre complet de régulation du marché européen de l'hydrogène, renouvelable et bas-carbone, l'objectif étant d'élaborer un cadre flexible et adaptable aux évolutions à venir du marché de l'hydrogène, encore en développement, tout en garantissant la protection des consommateurs et l'attractivité du secteur pour les investisseurs.
Nous avons donc la lourde responsabilité, sous notre présidence du Conseil, d'entamer les discussions sur ce sujet.
Parallèlement à la construction de ce cadre législatif européen, l'Union européenne investit largement pour développer la filière hydrogène européenne. Ainsi, 800 millions d'euros de fonds européens sont consacrés chaque année à des projets relatifs à l'hydrogène ; pour aller plus loin, un projet important d'intérêt européen commun (PIIEC) a été constitué. Acté par le Conseil en décembre dernier, ce PIIEC devra permettre de construire des usines d'électrolyse tout en finançant la décarbonation de certaines industries. Cela sera un immense atout pour le développement d'une filière souveraine de l'hydrogène.
Je pourrais évidemment évoquer bien d'autres enjeux et leviers du paquet législatif Fit for 55 : les émissions des véhicules, les évolutions du système d'échange de quotas, la lutte contre les fuites de carbone ou encore la justice sociale, qui sont essentiels dans la transition énergétique et, plus globalement, environnementale. L'Union européenne est pleinement mobilisée, vous le voyez, pour mener à bien cette transition. Nous devons devenir le premier continent neutre en carbone d'ici à 2050, grâce à un cap et une vision d'ensemble, des économies d'énergie, des énergies renouvelables et des technologies nouvelles. Le Gouvernement est pleinement mobilisé, y compris dans le cadre de la présidence française du Conseil de l'Union européenne, pour faire progresser rapidement cette ambition.