En premier lieu, je tiens à saluer la qualité du travail qu'ont fourni le président de la commission d'enquête et la rapporteure pour traduire en propositions les enseignements des 135 auditions auxquelles ils ont procédé et des quatre visites de centres pénitentiaires qu'ils ont effectuées. Même si leurs violons n'étaient pas toujours accordés – nous y reviendrons tout au long de cette séance –, je pense modestement que notre volonté commune d'explorer plusieurs rouages de notre politique pénitentiaire a été un succès.
La lecture de ce rapport et de ses propositions fait apparaître un fil conducteur, la surpopulation carcérale, qui a amené une partie de notre commission d'enquête à s'interroger sur l'encellulement individuel. S'agissant de ce totem, je dois dire que ma position personnelle a beaucoup évolué tout au long de mon mandat et plus encore à l'occasion de cette commission d'enquête.
L'encellulement individuel peut se comprendre comme l'objectif sacro-saint visé par notre politique carcérale depuis la loi pénitentiaire de 1875. Initialement calibré pour que l'isolement caractérise la punition, ce principe a été enrichi de considérations sécuritaires tendant à éviter toute forme de connivences criminogènes. En 2000, il a été gravé dans le marbre d'une loi qui a laissé au Gouvernement le soin de le rendre effectif dans un délai de trois ans, un vœu pieux au regard de la hausse continuelle du nombre de personnes incarcérées.
Malgré cette course perdue d'avance, l'objectif de l'encellulement individuel a été conforté ; de fait, il contribue à améliorer la dignité des conditions de détention. Son application a fait l'objet de moratoires en 2003, en 2009, en 2014 et, enfin, en 2019, date à laquelle elle a été repoussée au 31 décembre 2022.
Sur l'encellulement individuel, le rapport invite à changer de philosophie. Compte tenu des échecs passés, il est proposé que ce principe soit garanti lorsque la personne incarcérée le souhaite. C'est une piste que je trouve intéressante, à condition qu'elle soit précédée d'un examen médical et psychologique approfondi des détenus destiné à déterminer si l'isolement ne serait pas, au contraire, néfaste à certains d'entre eux. Sur ce point, je rejoins la position de Mme la rapporteure : il faut considérer que, dans certains cas, l'encellulement collectif, à savoir en cellule double, en favorisant le maintien de la dignité des personnes, peut avoir des vertus en termes de socialisation et de santé physique et mentale des détenus.
La bonne application de l'encellulement individuel serait conditionnée à un nombre de places de prison suffisant, exigence dont certains ont voulu faire l'alpha et l'oméga de toute la politique pénitentiaire de ce quinquennat.
En 2019, la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice avait tablé sur 7 000 places livrées avant 2022 et sur le lancement de la tranche des 8 000 suivantes avant la fin du quinquennat. Si ce programme connaît des retards, il serait grossier, voire démagogique, de mettre ceux-ci sur les épaules de la Chancellerie ou du ministre, car les territoires ont été nombreux à refuser de céder du foncier pour ériger de nouveaux établissements pénitentiaires.