Je remercie également le groupe Socialistes et apparentés d'avoir évoqué un sujet aussi important. Les chiffres sont implacables : selon une enquête de Santé publique France publiée le 23 décembre, 18 % des Français présentent des signes de troubles dépressifs, 23 % un état anxieux, soit huit à neuf points de plus qu'avant la pandémie. Autre chiffre tout aussi alarmant : il y a quelques jours, le Conseil économique, social et environnemental de ma région, les Hauts-de-France, publiait un rapport y dénombrant 600 000 personnes en dépression et 200 000 souffrant d'une pathologie psychique.
Notre jeunesse risque de payer le prix fort. Depuis de début de l'année 2021, les recours aux urgences pour troubles psychiques de l'enfant sont plus élevés qu'en 2018 et 2019 – plus 16 % – et marqués par deux pics importants en mars et juin 2021. Une nouvelle progression des recours est constatée en septembre 2021 et leur niveau reste élevé en octobre et novembre chez les adolescents. Le dernier rapport annuel de la Défenseure des droits de l'enfant donne l'alarme, appelant à faire de la santé mentale de l'enfant une priorité publique. Il pointe notamment le manque de pédopsychiatres et de psychologues dans les centres médico-psychologiques et médico-psycho-pédagogiques. Ce même rapport propose d'installer une maison des adolescents dans chaque département. Qu'en pensez-vous, monsieur le secrétaire d'État ? Par ailleurs, où en est l'enquête sur la santé mentale des enfants de moins de 11 ans que vous avez lancée il y a quelques mois en milieu scolaire ?
Les étudiants ont été aussi particulièrement touchés, eux qui étaient nombreux à cumuler confinement loin de leur famille – souvent dans de petits espaces – et problèmes financiers accrus pour se nourrir et se loger. À cela s'est ajoutée l'angoisse d'être freinés dans leur cursus, voire d'obtenir un diplôme au rabais. Les chiffres, là encore, sont édifiants : une enquête de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale – INSERM – et de l'université de Bordeaux indique que 37 % des étudiants interrogés souffrent de problèmes dépressifs et d'anxiété et que 13 % ont des pensées suicidaires. Ma question est simple : quels moyens de long terme comptez-vous déployer ? Je pense aux chèques psy dont l'efficacité semble mise en cause. Une enquête de l'Observatoire de la vie étudiante, publiée en novembre, montre ainsi que seuls 2 % des sondés y ont recours. Les spécialistes insistent aussi sur le fait que le dispositif MonPsySanté, qui prévoit le remboursement des séances sur prescription médicale à hauteur de 30 euros, ne permettra des entretiens que de trente minutes, ce qui est loin d'être suffisant pour un enfant ou un adolescent. Par ailleurs, l'aide se limite à vingt séances et exclut beaucoup de personnes, dont celles souffrant de troubles sévères. Elle a en outre une incidence sur la rémunération des praticiens, qui se sentent à nouveau dévalorisés.
Que dire, par ailleurs, du manque de lits dans nos hôpitaux qui se fait cruellement sentir ? Il n'est ainsi pas possible d'hospitaliser, comme le préconise la Haute Autorité de santé, tous les adolescents qui devraient l'être, en particulier ceux ayant fait une tentative de suicide. C'est une tragédie. Comptez-vous allouer les moyens nécessaires pour qu'enfin les soignants n'aient pas à choisir quel jeune ils soignent et quel jeune ils laissent rentrer chez lui dans une détresse profonde ?
Un autre point est particulièrement préoccupant : l'épuisement du corps médical, qui s'implique encore et encore, mais ne se sent pas reconnu, est à bout de souffle et n'arrive plus à trouver de sens à son engagement. Ses membres ont le profond sentiment d'être au mieux pas écouté, au pire méprisé. Dans le Nord, on constate une baisse de 65,8 ans à 64,6 ans de l'âge de départ à la retraite et un moindre nombre de cumuls emploi-retraite. Cela va bien évidemment continuer à affecter l'accès aux soins et, par voie de conséquence, le suivi des problèmes psychiatriques.
Monsieur le secrétaire d'État, notre pays n'a pas le droit d'abandonner la santé psychique de ses concitoyens. Il doit anticiper et mettre les moyens là où ils sont réellement indispensables. Certes, vous avez annoncé 80 millions d'euros de nouveaux crédits, mais des questions essentielles demeurent : comment seront-ils précisément répartis ? Seront-ils affectés aux postes prioritaires ? Quand allez-vous établir un vrai dialogue avec l'ensemble des parties ? Plusieurs collectifs vous ont demandé d'entamer de vraies négociations paritaires avec les organismes représentatifs des patients et des psychologues. Leur répondrez-vous ? En novembre, je vous avais interrogé, par une question écrite restée sans réponse, sur la manière dont vous comptiez apaiser les inquiétudes éprouvées par les psychologues, sans lesquels il sera pourtant difficile de structurer une politique de santé mentale digne de ce nom. Pouvez-vous y répondre aujourd'hui ?