En juillet dernier, les hauts responsables de la santé de la région européenne de l'OMS lançaient l'alerte sur l'impact « durable et profond » de la pandémie de covid-19 sur la santé mentale : « Anxiété face à la transmission du virus, impact psychologique des confinements et de l'auto-isolement, effets du chômage, des soucis financiers et de l'exclusion sociale, accès entravé aux soins dispensés en personne… tout le monde est touché d'une manière ou d'une autre. » Un de ces experts notait toutefois que « la pandémie, dévastatrice à bien des égards, donnait aux pays une occasion de repenser et de réformer leurs services de santé mentale. C'est une occasion qu'aucun pays ne peut se permette de manquer si nous voulons reconstruire en améliorant et en consolidant. »
Ce n'est malheureusement pas le chemin qu'a choisi d'emprunter ce gouvernement. Entre les mensonges à répétition, les injonctions contradictoires, les restrictions excessives des droits et libertés, les menaces de déni de soins et la stigmatisation d'une partie de la population, la politique plus autoritaire que sanitaire menée depuis deux ans a plus aggravé qu'amélioré l'état psychique de la population, déjà fortement dégradé. Comme l'ont très bien rappelé les orateurs précédents, cela se traduit par une augmentation des troubles dépressifs, anxieux et de l'humeur et du stress post-traumatique, le développement de pathologies psychosomatiques de type covid long, des problèmes d'apprentissage et de développement particulièrement marqués chez les très jeunes, l'explosion de comportements suicidaires. Toutes les classes d'âge sont concernées.
Mais la dégradation de la santé psychique, qui s'est accélérée, prospère sur cinquante ans de destruction de la prise en charge de ces troubles en France. Depuis la création de la psychiatrie de secteur, les établissements de santé ont globalement procédé, sans interruption depuis les années 1970, à une diminution du nombre de lits d'hospitalisation, alors que le nombre de patients et de patientes n'a cessé d'augmenter. Comme dans les autres domaines de la santé, cette politique n'a pas été interrompue pendant la pandémie, bien au contraire : 300 lits d'hospitalisation en psychiatrie ont été fermés ou sont sur le point de l'être. À Sarlat, 14 lits sur 38 ont été supprimés ; 75 lits ont été fermés à l'hôpital Le Vinatier de Lyon ; à Rennes, 20 lits ont été fermés à cause d'un manque de médecins ; à Rouvray, 80 lits ont été fermés alors que les soignants manifestent depuis 2018 pour obtenir les moyens de faire leur travail ; à Créteil, 20 lits ont été transférés à une clinique privée ; à Saint-Cyr-sur-Loire, 20 à 40 lits fermeront d'ici à 2026, dans le cadre d'une fusion au sein du centre hospitalier régional universitaire de Tours.
La seule réponse dont a pu se targuer le Gouvernement face à l'urgence sanitaire a été l'instauration de huit séances de psychothérapie de trente minutes sur prescription médicale – un dispositif, soit dit en passant, issu d'un amendement gouvernemental déposé à la dernière minute. Il est jugé notoirement insuffisant par les psychologues et les professionnels du secteur. On ne traite pas les troubles dépressifs, l'anxiété et le stress post-traumatique en un temps aussi court, et à un niveau de rémunération tel qu'il témoigne bien davantage d'un manque de considération du travail des professionnels et de la gravité des troubles dont souffrent les patients que d'une véritable prise en compte de la situation.
Pour enrayer la dégradation continue de l'état de santé mentale de la population, il faut mettre un terme aux mesures liberticides, inutiles et anxiogènes qui se succèdent depuis plusieurs mois et aux dispositifs qui, telle la tarification à l'acte, contribuent à la destruction de la santé publique, en particulier à l'hôpital. Il faut investir massivement dans les structures de santé mentale de proximité et revaloriser les salaires et les statuts de l'ensemble des professionnels de santé, mais aussi du secteur médico-social, qui participe activement au traitement de la santé mentale – et qui était encore mobilisé cette semaine pour protester contre son exclusion pure et simple des maigres concessions accordées lors du Ségur de la santé, et contre sa faible prise en considération lors des assises de la santé mentale.
La santé et le bien-être mental, nous rappellent les experts de l'OMS pour l'Europe, doivent être considérés comme des droits humains fondamentaux. L'amélioration des services publics de santé ne peut que profiter à tous. Non seulement elle atténuera l'impact de la covid sur la santé, mais elle contribuera à l'amélioration durable de la santé générale et permettra d'économiser de l'argent, ce qui facilitera la reprise économique et l'atteinte d'objectifs stratégiques. C'est ce à quoi nous nous attellerons dès avril et juin 2022 !