Le débat que nous avons aujourd'hui, à l'initiative du groupe Socialistes et apparentés, le prouve : jamais nous n'avons autant parlé de santé mentale dans notre pays. Et paradoxalement, c'est une très bonne chose.
C'est une très bonne chose parce que la santé mentale n'est plus recouverte d'un voile pudique, elle n'est plus un tabou. Nous savons la regarder en face et sans crainte, avec des yeux d'adultes. C'était indispensable dans la période que nous traversons parce que, oui, si la crise sanitaire a durement frappé nos concitoyens dans leur vie quotidienne, parfois dans leur chair, elle a aussi révélé une grande vulnérabilité psychique. C'est bien une des leçons que l'on peut en tirer : elle a mis la santé mentale au premier plan de nos préoccupations.
Les derniers chiffres publiés par Santé publique France le rappellent encore : 68 % des Français déclarent avoir des problèmes de sommeil, 18 % montrent des signes d'état dépressif et 23 % d'état anxieux.
Dès le début du quinquennat, le constat a été établi que depuis des années, même des décennies, la santé mentale et la psychiatrie étaient devenues le parent pauvre de nos politiques de santé et je note que nous vivons aujourd'hui une période que je qualifierai une fois encore de paradoxale et exceptionnelle pour la santé mentale et la psychiatrie en France.
D'un côté, jamais la pression n'a été aussi forte, jamais les difficultés n'ont été aussi grandes, qu'il s'agisse de la démographie médicale préoccupante, du déficit d'attractivité de la discipline, de l'épuisement des équipes, autant d'éléments que vous avez soulignés. De l'autre, jamais il n'y a eu, au plus haut niveau politique, de tels engagements en faveur de la santé mentale et de la psychiatrie, avec la volonté affirmée d'en faire un vrai sujet sociétal, appuyée sur une prise de conscience collective de leur importance respective.
À cet égard, les assises de la santé mentale et de la psychiatrie des 27 et 28 septembre derniers, clôturées par le Président de la République, ont marqué un tournant majeur. Elles ont délivré trois messages essentiels. Le premier est que la santé mentale, partie intégrante de notre santé, est un sujet qui nous concerne tous et qui doit être appréhendé comme tel. Le deuxième est qu'elle doit être saisie de manière globale, en prenant en compte ses différentes dimensions, en particulier en ce qui concerne la prévention et le soin. Le troisième est qu'elle requiert une mobilisation collective qui doit perdurer au-delà de ce qui est né durant la crise.
Un cap est aujourd'hui fixé avec des orientations fortes du Gouvernement et des mesures concrètes.
Jamais un gouvernement n'avait autant fait pour la santé mentale de nos concitoyens. La crise sanitaire est venue amplifier une dégradation de l'état psychique de nos concitoyens déjà observée auparavant, notamment chez les jeunes, et nous avons agi dès 2018. À l'initiative d'Agnès Buzyn, il y a trois ans, a été élaborée une feuille de route de la santé mentale et de la psychiatrie pilotée par le délégué ministériel Frank Bellivier. Depuis, elle a été considérablement enrichie, d'abord par des mesures spécifiques dans le Ségur de la santé, ensuite par les trente mesures des assises de la santé mentale, lancées par le ministre des solidarités et de la santé, Olivier Véran.
Certaines de ces mesures complètent et concrétisent des actions en cours, tandis que d'autres ouvrent de nouveaux champs d'action. L'état de santé mentale de la population a été régulièrement suivi tout au long de la crise grâce à la production par Santé publique France de tableaux de bord incluant des données sur les enfants et les jeunes et aux vagues mensuelles de l'enquête CoviPrev. En outre, une enquête pérenne sur la santé mentale des enfants de moins de 11 ans, pour lesquels, il est vrai, nous ne disposions pas jusqu'à présent d'informations globales est en cours de mise en œuvre en milieu scolaire – c'était une des premières demandes du Président de la République, formulée dès le 14 janvier 2021.
La lutte contre la stigmatisation des troubles psychiques, de leur représentation et des personnes qui en sont atteintes a connu sous l'effet de la crise une impulsion décisive. Ces sujets sont sortis du silence, d'une forme de clandestinité, sous l'effet des campagnes de communication de Santé publique France, notamment celles destinées au grand public en 2021 ; nous poursuivrons cette démarche, principalement à l'intention des jeunes. Quant à la promotion du bien-être mental, le développement des compétences psychosociales peut désormais être organisé dès le plus jeune âge et dans tous les environnements ; comme annoncé aux assises de la santé mentale et de la psychiatrie, le ministère des solidarités et de la santé et celui de l'éducation nationale présenteront ce trimestre une stratégie multisectorielle visant à créer un cadre de référence commun en vue du déploiement de cette initiative pour les enfants et les jeunes.
La prévention de la souffrance psychique, pour sa part, fait notamment appel à la solidarité. Le programme « Premiers secours en santé mentale » y contribue : nous tenons beaucoup à ce dispositif qui a fait ses preuves à l'étranger et qui constitue un très beau vecteur de sensibilisation. Son développement au sein des universités se poursuit avec le soutien de la ministre Frédérique Vidal ; des modules de formation complémentaires concernant d'une part les adolescents, d'autre part les personnes âgées, sont en cours de déploiement. Le dispositif VigilanS de prévention de la récidive suicidaire, déployé dans seize régions, incluait en 2021 22 000 patients ; cette année, au-delà de l'objectif régional, nous visons une meilleure couverture des départements. En outre, depuis le 1er octobre, un numéro national de prévention du suicide, le 3114, peut aboutir à onze centres, dont trois fonctionnant vingt-quatre heures sur vingt-quatre : sur les 27 000 appels déjà reçus, 10 à 15 %, soit une proportion significative, concernaient une crise suicidaire nécessitant l'intervention des secours. L'utilité vitale de cette ligne n'est donc plus à démontrer. En 2022, pour la renforcer, de nouveaux centres seront ouverts, et nous mènerons des actions de communication ciblées.
S'agissant des parcours de soins et de la mise à disposition d'une offre en psychiatrie accessible, diversifiée et de qualité, l'effort ne s'est pas relâché, mais au contraire considérablement amplifié et accéléré au cours des derniers mois. Les moyens financiers consacrés à la psychiatrie ont progressé de 2,4 % en 2021 ; de plus, la transformation de l'offre psychiatrique a continué d'être accompagnée financièrement. Une enveloppe de 40 millions d'euros vient d'être constituée : 30 millions destinés à la psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, ainsi qu'à la psychiatrie périnatale, ce qui permettra de financer quatre-vingt-sept projets en vue de soutenir l'offre dans ces deux domaines ; 10 millions voués à financer quarante-deux projets en trois ans dans le cadre du fonds d'innovation organisationnelle en psychiatrie. Il s'agit de la troisième campagne de financement de ces projets organisationnels innovants, avec des moyens spécifiques ; son succès démontre, s'il en était besoin, la capacité du dispositif de soins psychiatriques, dans toutes les régions, à se transformer, à concevoir des réponses plus efficaces, mieux adaptées aux besoins, à créer de véritables parcours entre équipes mobiles, hôpitaux de jour et autres établissements – car ce n'est pas seulement, madame Obono, une question de lits ouverts ou fermés.
En 2022, devant le succès, je le répète, de ces appels à projets et compte tenu des besoins de la psychiatrie, une nouvelle édition sera proposée : le fonds d'innovation organisationnelle en psychiatrie sera doté de 10 millions, 20 millions serviront à la psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent. S'agissant de chiffres, d'ailleurs, j'en ai entendu au cours de vos interventions dont je ne parviens pas à retrouver la source. Sachez qu'avant même les assises de la santé mentale et de la psychiatrie, 1,4 milliard d'euros avaient été mobilisés en lien avec la feuille de route de 2018 ; quant aux mesures annoncées lors de ces assises, elles nécessiteront 1,9 milliard supplémentaire pour la période 2022-2026. Voilà la réalité concernant les moyens que ce Gouvernement consacre à la santé mentale de nos concitoyens !
Encore une fois, les assises ont permis d'annoncer des mesures attendues depuis longtemps par le secteur – vous avez raison sur ce point – en vue d'un accompagnement qui soit le plus précoce possible et d'un renforcement substantiel de la couverture médicale en matière de santé mentale, ainsi que de son accessibilité. Des maisons de l'enfant et de la famille assureront dans les territoires la coordination des acteurs de la santé physique et mentale des enfants de 3 à 11 ans, sur le modèle de ces maisons des adolescents dont Marcel Rufo avait créé la première, il y a bien longtemps, à Marseille. Le Gouvernement s'est également engagé au sujet de ces dernières, des équipes mobiles, d'un volet psychiatrique du service d'accès aux soins (SAS) ou encore de lits à la demande en psychiatrie. Les travaux visant à élaborer ces mesures, qui seront précisées d'ici à la fin du premier trimestre, ont d'ores et déjà été engagés par la direction générale de l'offre de soins (DGOS), en lien avec les sous-commissions compétentes de la Commission nationale de la psychiatrie, qui y est pleinement associée. Enfin, le dispositif MonPsySanté, mesure phare annoncée par le Président de la République lors de la clôture des assises, permettra dès le printemps prochain aux personnes souffrant de troubles psychiques légers à modérés de bénéficier de huit séances remboursées chez un psychologue conventionné. Contrairement à ce qu'ont avancé certains d'entre vous, sans publicité particulière, 1 800 professionnels se sont déjà inscrits sur la plateforme correspondante…