Vous l'aurez compris, au vu de l'ordre du jour de la journée d'initiative parlementaire du groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés, nous sommes – comme notre nom l'indique – profondément convaincus que la démocratie est l'un de nos biens les plus précieux et que nous devons œuvrer en permanence afin de la conserver et de la faire prospérer.
Nous avons donc souhaité faire de cette journée un espace de débat apaisé, à l'image de la démocratie que nous appelons de nos vœux, autour de quelques sujets qui nous semblent centraux pour le fonctionnement de nos institutions et pour la lutte contre la défiance envers le monde politique. Nous aborderons des sujets qui ne font l'unanimité ni dans notre assemblée, ni au sein de chaque groupe. Mais ne soyons pas effrayés : de nos débats peuvent naître des consensus ; c'est ce à quoi nous sommes attachés.
Tel est l'objectif dans lequel s'inscrit la proposition de résolution que je vous présente au nom de mon groupe.
C'est un fait, notre pays connaît une crise de sa représentation. En 2013, Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'État, expliquait que, « en matière politique, représenter peut signifier trois choses » : tout d'abord, « tenir lieu de », c'est-à-dire se substituer à celui que l'on représente, puisqu'il n'existe pas de mandat impératif ; ensuite, « ressembler », c'est-à-dire être représentatif de la réalité du pays ; enfin, « être le porte-parole de ». Ce dernier sens est sans doute de plus en plus prégnant.
Le 3 juillet 2017, devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles, le président Emmanuel Macron avait marqué sa volonté de voir la démocratie française renouer « avec la variété du réel, avec la diversité de [la] société française » qui est le souffle profond de la vitalité démocratique de notre pays.
Si la « réalité […] plurielle » de la France est entrée, dans une large mesure, à l'Assemblée nationale en 2017, cette évolution est cependant inachevée. C'est pourquoi j'ai déposé avec mon groupe cette proposition de résolution pour une plus juste représentation des Français à l'Assemblée nationale.
Nous souhaitons proposer des solutions pertinentes pour relever ce défi dont l'enjeu est important, car il y va de toute la chaîne de légitimité de notre démocratie représentative. Ce n'est pas rien ! Cette évolution essentielle est la condition pour que le Parlement et les parlementaires retrouvent leur juste place : celle d'une institution vécue comme l'émanation véritable de la nation, centrale dans l'organisation politique de l'État et constituant un élément fort dans la reconquête de la participation citoyenne.
Cela passe notamment par une réforme du mode de scrutin.
Sous la V
Après ces tentatives, le retour à une logique de verrouillage de la vie politique française s'est donc naturellement imposé. Toutefois, comme l'a si bien dit Jean-Louis Bourlanges, ce mode de scrutin fait « des élections législatives la réplique, au sens sismique du terme, de l'élection présidentielle […]. C'est évidemment très malsain ». C'est également injuste. En effet, n'est-ce pas une injustice criante que de voir des courants politiques traverser de façon assez puissante et relativement pérenne notre pays, sans que cela n'ait de traduction concrète aux élections législatives, donc dans notre hémicycle ? C'est en partie de là que vient le désintérêt de nos concitoyens pour l'action parlementaire que nous constatons année après année. Ainsi, le taux d'abstention s'accroît tandis que le désintérêt des Français à l'égard de leur député augmente continûment. Or, si « le Parlement est contesté », c'est parce que, comme a pu le dire François Bayrou, « sa composition est trop éloignée de la réalité du pays ».
Et si le Parlement est contesté, je vous laisse imaginer la suite, mes chers collègues ! Ce problème touche à la légitimité de notre action : celle des lois que nous élaborons dans cet hémicycle, celle du contrôle que nous devons exercer en permanence au nom de nos concitoyens et dont nous devons pouvoir leur rendre compte. C'est pour cette légitimité que nous devons nous battre et renforcer le Parlement.
Cet objectif d'une meilleure représentativité des Français au sein de notre institution peut être atteint avec l'instauration d'un scrutin proportionnel. On peut envisager de fixer un seuil à 5 % des voix afin de mettre en œuvre cette évolution attendue par nos concitoyens. En effet, cette idée est de plus en plus partagée par les Français, comme nous avons pu le mesurer notamment à l'occasion du grand débat.
Au demeurant, les craintes formulées par les détracteurs d'une telle évolution semblent dépassées. Tout d'abord, il est largement infondé de craindre une instabilité politique et gouvernementale, comme celle que la France a connue sous les républiques précédentes. C'est ce qu'a conclu un groupe de travail sur l'avenir des institutions organisé par l'Assemblée nationale en 2015, qui rappelle que cette instabilité n'était pas la conséquence du mode de scrutin à la proportionnelle. Ce rapport souligne, de plus, que de nombreux pays ont adopté ce mode de scrutin, parfois intégral, sans en souffrir. De fait, dans les pays voisins qui ont choisi la proportionnelle, notamment l'Allemagne, la construction de majorités larges et de projets contribue à rendre plus robuste l'architecture institutionnelle.
On avance également la crainte d'une perte d'influence du Président de la République par rapport à son Premier ministre. Il est peu probable que cela se produise au regard de ce que prévoit notre Constitution qui, sur le fond et sur la forme, fait du chef de l'État le plus important des pouvoirs publics, mais aussi au regard de la pratique présidentielle depuis le général de Gaulle.
Si l'instauration d'une dose de proportionnelle, que nous préconisons depuis longtemps – nous avons déposé une proposition de loi sur ce sujet il y a un an –, est un souhait de plus en plus partagé par nos concitoyens, c'est aussi parce qu'elle apporterait une légitimité indéniable aux candidats élus et, ainsi, à notre assemblée. Cette évolution répond aussi à une demande de réinvestissement du champ politique par les citoyens. Loin d'être déconsidéré, l'engagement, politique en particulier, semble plus que jamais une valeur centrale de cohésion pour de nombreux Français, notamment parmi les plus jeunes. Or cet engagement ne se traduit plus, désormais, dans la participation les jours de scrutin. Nul ne peut s'en satisfaire.
Faire évoluer notre mode de scrutin serait un gage fort pour une réappropriation de l'espace civique par les citoyens. L'opinion publique y est prête depuis longtemps et les forces politiques ont largement fait leur mue en la matière. Il s'agit en outre d'un engagement pris élection après élection par les exécutifs successifs sans que jamais cette réforme n'ait pu aboutir. C'est pourtant une mesure de justice par rapport au principe de l'idéal démocratique.
C'est pourquoi, à travers notre proposition de résolution, nous invitons le Gouvernement à conduire une réflexion sur la réforme du mode de scrutin des élections législatives pour le rendre davantage représentatif des préférences partisanes de chaque électeur.
L'ensemble du groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés serait heureux que vous souteniez notre démarche en adoptant cette proposition de résolution.