Intervention de Nicole Dubré-Chirat

Séance en hémicycle du jeudi 3 février 2022 à 9h00
Développement de la participation citoyenne — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicole Dubré-Chirat :

En 1947, Winston Churchill disait : « La démocratie est le pire système de gouvernement, à l'exception de tous les autres. » Longtemps mise en exergue pour les vertus qu'elle véhicule, la démocratie – du moins, son exercice – s'est progressivement imposée pour devenir le modèle de référence, celui que les Nations unies instaurent lors de la reconstruction des États. Ce même idéal démocratique est à la base de nos institutions européennes.

Pourtant, d'aucuns affirment que la démocratie connaît un essoufflement. Longtemps magnifiée, révérée, elle est aujourd'hui interrogée, questionnée voire délaissée, critiquée ou remise en cause. Comment faire évoluer et comment concilier démocratie représentative et démocratie participative ? Il existe un paradoxe entre une demande de participation exacerbée et la décroissance de la participation citoyenne. L'abstention s'accentue, quels que soient les scrutins, comme le rappelle le récent rapport d'information de nos collègues Xavier Breton et Stéphane Travert. Elle s'est inscrite petit à petit dans chacune de nos élections depuis 1970, atteignant un niveau jamais égalé lors des dernières consultations électorales de juin 2021.

On assiste à des formes de manifestations inédites – les gilets jaunes en 2018, les marches pour le climat, Nuit debout – qui témoignent du décalage et du décrochage des citoyens avec les modèles traditionnels de la participation démocratique. La pratique montre que la défiance vis-à-vis des institutions se traduit aussi par une opposition à toute forme de légitimité institutionnelle, qui remet en cause le modèle de démocratie représentative sur lequel reposent nos institutions. L'augmentation des violences à l'égard des forces de l'ordre, des journalistes ou des élus, en est l'exemple frappant.

Dès lors, comment répondre au défi de l'engagement citoyen, comment renforcer et élargir la participation citoyenne et comment consolider notre modèle de démocratie ? Depuis 2017, ces questions sont au cœur des préoccupations des élus. En témoignent la volonté du Président de la République, lors du lancement du grand débat en 2019, de recenser les préoccupations des citoyens dans l'ensemble du territoire, ou encore la mise en place de la Convention citoyenne pour le climat, lors de laquelle 150 citoyens furent tirés au sort et dont 146 propositions furent reprises dans différents textes de loi. En témoigne aussi la réforme, en 2020, du Conseil économique, social et environnemental (CESE), lieu d'expression privilégié de la participation citoyenne, qui a ouvert le recours aux pétitions par voie numérique pour les citoyens dès l'âge de 16 ans. En témoigne également l'ouverture par les ministères, à l'occasion des différentes réformes, de plateformes numériques sur lesquelles chacun peut donner son avis et faire des propositions. En témoignent enfin les assises de l'eau ou les états généraux de la justice, qui sont autant d'instances de concertation.

C'est dans ce contexte que s'inscrit la résolution qui nous est proposée aujourd'hui. Elle poursuit un objectif que nous partageons avec le groupe MODEM, celui du développement de la participation citoyenne. Le texte prévoit de créer les conditions de cette participation pour la jeunesse. Pour y parvenir, l'éducation à la démocratie doit démarrer tôt et être distillée tout au long du parcours du jeune. L'école est un lieu privilégié d'éducation et de socialisation et c'est dans cette logique que sont déployées des actions à destination des jeunes. Interventions des députés dans les classes, classes Parlement, visites de l'Assemblée, conseils municipaux d'enfants, élections de délégués de classe, service civique, service national universel : autant d'approches qui aident chaque jeune à trouver sa place en tant que citoyen dans notre démocratie.

Pour développer une expertise publique de la participation, ensuite, il nous faut redéfinir ses règles et ses modalités pour que chaque personne qui s'engage sache pourquoi, comment et à quoi elle s'engage. Développer la démocratie numérique, c'est mettre la technologie et les nouveaux outils numériques au service de la démocratie pour la moderniser. Structurer la gouvernance, enfin, c'est favoriser l'innovation démocratique en s'inspirant des bonnes pratiques issues de la vitalité de nos territoires et de notre démocratie locale, en développant la formation tout au long de la vie et en interrogeant notre travail législatif afin de le rendre plus attractif et de le simplifier. Il est nécessaire d'encourager les initiatives locales, comme les conseils citoyens et les budgets participatifs, pour recueillir l'avis de chacun.

La proposition de résolution pragmatique qui nous est soumise poursuit le travail engagé pour développer la participation citoyenne. Au vu des constats, des enjeux et des propositions de notre collègue Sylvain Waserman, le groupe LaREM la votera, car elle constitue un apport indispensable pour faire évoluer la participation citoyenne, améliorer l'engagement et favoriser l'accès au vote – en somme, démocratiser la démocratie.

Comme le disait Pierre Mendès France, « La démocratie ne consiste pas à mettre épisodiquement un bulletin dans une urne, à déléguer les pouvoirs à un ou plusieurs élus puis à se désintéresser, s'abstenir, se taire pendant cinq ans. Elle est action continuelle du citoyen et requiert à ce titre sa présence vigilante. […] La démocratie n'est efficace que si elle existe partout et en tout temps. »

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.