Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de nous donner aujourd'hui la possibilité de débattre de la participation citoyenne. J'en suis d'autant plus heureux que, dans cet hémicycle, les occasions sont rares d'évoquer les priorités de ce périmètre ministériel nouveau dont j'ai la charge depuis juillet 2020. Je souhaite donc saluer l'initiative du vice-président Waserman et des membres du groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés, qui s'inscrit pleinement dans l'ambition que le Gouvernement porte pour la démocratie participative. Je remercie aussi le groupe d'avoir choisi, comme l'a rappelé M. Peu, le thème plus général de la démocratie : les sujets qu'il recouvre sont éminemment d'actualité et je ne doute pas qu'ils jalonneront les mois et années à venir, tant ils sont à visiter et revisiter en permanence.
Les grands enjeux de votre proposition de résolution sont au cœur de la mission qui m'a été confiée il y a dix-huit mois. Je partage les constats et les objectifs que vous venez de formuler ; ils constituent le fondement même de ma feuille de route. Vous avez rappelé très justement les dangers qui menacent le fonctionnement de notre démocratie : indifférence des citoyens à l'égard de la chose publique, abstention électorale, défiance de plus en plus vive à l'égard des responsables politiques et des élus.
Ce délitement s'exprime par de multiples phénomènes de protestation, de radicalisation ou même de violence. Beaucoup d'entre vous, ici, y ont été directement confrontés. Je tiens donc une nouvelle fois à exprimer la solidarité du Gouvernement, ainsi que la mienne, à l'égard de celles et ceux qui ont été récemment la cible de ces menaces et de ces attaques intolérables.
À chaque menace, verbale ou physique, c'est la démocratie qui recule parce qu'à chaque violence c'est la liberté d'opinion qui est menacée et le débat qui est empêché. De tels faits, que bien sûr nous condamnons avec force et sans réserve, sont malheureusement le symptôme inquiétant d'une réalité que personne ne peut ignorer : pour un grand nombre de nos concitoyens, la déception voire le rejet sont réels vis-à-vis du système représentatif. Ils n'en sont plus, ils ne le reconnaissent plus.
Dans ce contexte, les principaux acteurs de ce système voient de plus en plus souvent leurs décisions contestées dans leur légitimité et mises en cause dans leur efficacité. Quelles qu'en soient les formes, cet épuisement démocratique met en péril la légitimité des institutions. Vous l'avez dit, cette fatigue porte le germe d'un affaiblissement de la démocratie elle-même.
Dans le même temps, j'observe comme vous une forte aspiration des citoyens à faire entendre leur voix, à peser dans le débat public. À mes yeux, ce n'est pas un paradoxe. Si nos concitoyens se détournent de l'expression démocratique traditionnelle, ils souhaitent aussi voir reconnues de nouvelles formes d'engagement et de mobilisation. Le sujet n'est pas seulement national et institutionnel, monsieur Peu : au niveau local aussi, nos concitoyens aspirent à être mieux associés à la décision publique. Cela doit nous appeler à une réflexion globale.
Pour restaurer la confiance, il faut répondre à cette attente et leur proposer de faire autrement, c'est-à-dire inventer de nouvelles modalités d'action qui leur donnent une véritable place dans l'élaboration, la mise en œuvre et l'évaluation des politiques publiques. C'est tout l'enjeu du développement de la participation citoyenne que vous appelez de vos vœux, et qui s'est déjà imposée comme une priorité gouvernementale après le grand débat national et la Convention citoyenne pour le climat. Je dis souvent que ces deux dispositifs, inédits à cette échelle en France et dans le monde, ont eu un effet cliquet. J'en suis absolument certain, après ces expériences participatives exceptionnelles, on ne reviendra pas en arrière. Mais on ne pourra pas non plus en rester là.
Je ne rappellerai pas ici les progrès que la Convention citoyenne pour le climat a permis d'accomplir : vous en avez longuement débattu sur ces bancs lors de l'examen du projet de loi contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dit climat et résilience.
Contrairement à ce que certains ont pu dire, y compris pendant ces débats, je reste convaincu que, sur de nombreux sujets, nous ne serions jamais allés aussi loin sans l'aiguillon qu'a été la Convention ; nous n'en aurions peut-être même pas parlé. La prise de conscience des défis de l'artificialisation ou des enjeux très importants liés à la consommation, à la publicité ou à la mobilité est l'émanation de la Convention citoyenne pour le climat.
Je crois aussi que l'utilité de l'exercice ne doit pas seulement être jugée sur le nombre de mesures qui ont été intégralement reprises, partiellement réalisées ou écartées. Son succès, c'est également l'écho que les propositions et les thématiques portées par ces 150 citoyens ont eu dans l'opinion et au sein des secteurs professionnels concernés par les évolutions proposées.
Soyez assurés que nous portons un regard lucide sur les forces et les faiblesses d'un tel dispositif, dont nous assumons la dimension inédite, et donc perfectible. Nous n'avons pas encore fini d'en tirer tous les enseignements. Mais d'ores et déjà, reconnaissons que sa plus grande vertu réside dans ce pari : reconnaître au citoyen une aptitude à contribuer au bien public, à partir d'une information éclairée, à participer à la construction de l'intérêt général, à se poser singulièrement en capacité à faire évoluer les dispositifs ; reconnaître aussi sa capacité à détenir une part des solutions à mettre en œuvre pour résoudre des problèmes collectifs. La Convention a parfaitement montré qu'il était possible de dépasser les conflictualités et de construire du consensus, en associant des citoyens à l'élaboration, transparente et débattue, de solutions concrètes.
On ne gagne jamais à la caricature, monsieur le président Pancher.