Intervention de Constance Le Grip

Séance en hémicycle du vendredi 4 février 2022 à 9h00
Respect éthique du don d'organes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaConstance Le Grip :

La proposition de loi que nous examinons à l'initiative de notre collègue Frédérique Dumas vise à garantir le respect éthique du don d'organes par nos partenaires non européens et à encadrer les contrats de partenariat entre établissements de santé français et non européens, afin de s'assurer du respect de l'éthique biomédicale et scientifique.

Quelques chiffres d'abord, pour planter le décor : en 2021, 5 273 transplantations ont été réalisées en France, un nombre en baisse depuis 2017. Même si les chiffres observés en 2020 et en 2021 s'expliquent évidemment en grande partie par la crise sanitaire et la déprogrammation de nombreuses opérations, le nombre de greffes réalisées chaque année est loin de répondre à la demande. Malgré les efforts déployés par les autorités, les professionnels de santé et tous les pouvoirs publics, de trop nombreuses personnes, en France, décèdent faute d'avoir bénéficié à temps d'une greffe d'organe.

Ce contexte de « pénurie d'organes », qui vaut également au niveau mondial, a conduit au développement tragique du prélèvement forcé, du trafic d'organes et du tourisme de transplantation. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que 5 % à 10 % des greffes d'organes dans le monde sont réalisées avec des organes issus du trafic, soit environ 15 000 greffes par an, un chiffre absolument effrayant.

Les auteurs et cosignataires de la présente proposition de loi, dont je fais partie, considèrent que la République populaire de Chine constitue l'exemple le plus grave de ce tourisme de transplantation, en raison tout particulièrement de la pratique institutionnalisée du prélèvement forcé d'organes qui y a été instaurée. Comme cela a déjà été souligné, ces prélèvements sont effectués sur des prisonniers, notamment d'opinion, et sur des membres de minorités ethniques ou religieuses particulièrement ciblées et persécutées par le régime de Pékin, comme en témoigne leur internement dans des camps.

Plusieurs enquêtes indépendantes soutiennent, documents à l'appui, que les prélèvements forcés d'organes, notamment sur les prisonniers et les personnes internées, se poursuivent en Chine, malgré l'adoption par le gouvernement chinois, en 2007, d'une première loi réglementant la transplantation, puis l'interdiction officielle, depuis 2015, du prélèvement des organes des prisonniers exécutés. En juin 2019, le China Tribunal, tribunal indépendant basé à Londres et composé de juristes et de chercheurs, a conclu avec certitude que des prélèvements forcés d'organes ont eu lieu en de multiples endroits de la République populaire de Chine et à de multiples occasions, sur une période d'au moins vingt ans, et qu'ils se poursuivent à ce jour. Il les qualifie de crimes contre l'humanité.

Il est donc primordial, et même vital, de lutter contre ces pratiques totalement indignes et de sanctionner les personnes impliquées dans ces crimes. C'est ce que plusieurs pays – l'Espagne, l'Italie, Israël, Taïwan – ont fait en modifiant leur législation nationale, afin de condamner plus sévèrement ceux de leurs ressortissants qui se seraient rendus complices de ces atrocités. Il est à rappeler que la France peut s'enorgueillir de disposer, en matière de bioéthique médicale et scientifique, d'un bloc législatif qui nous est envié dans le monde entier. Il est notamment constitué de la loi du 22 décembre 1976 relative aux prélèvements d'organes, dite loi Caillavet, des avis du Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé et de plusieurs lois de bioéthique. C'est bien dans ce cadre et en gardant nos grands principes à l'esprit que nous devons aborder l'examen de ce texte.

Le Parlement européen, cela a été dit, a voté deux résolutions très précises. Notre assemblée a adopté jeudi dernier, à l'unanimité, le projet de loi autorisant la ratification de la Convention du Conseil de l'Europe contre le trafic d'organes humains, dite convention de Compostelle, qui, dans son préambule, reconnaît que le trafic d'organes constitue une menace mondiale, contre laquelle les pays européens doivent lutter de manière efficace. Fort bien – dont acte. Mais nous devons aller plus loin et poser maintenant des actes concrets. Nous estimons que les réserves émises par la France lors de la signature de la convention de Compostelle rendent difficile la traduction devant la justice française – par exemple – des personnes éventuellement impliquées dans le tourisme de transplantation et le trafic d'organes, alors qu'elle nous semble être une exigence minimale pour lutter efficacement contre ce fléau.

Nous estimons également que la présente proposition de loi complète de manière concrète la convention de Compostelle et permet d'aller plus loin en modifiant le droit interne pour encadrer les conventions de coopération entre les établissements de santé français – publics ou privés – et les établissements non européens, afin d'éviter que des structures françaises deviennent en quelque sorte complices de violations des droits de l'homme en matière de transplantation d'organes. Les élus du groupe Les Républicains avaient voté, lors de l'examen du texte en commission des affaires sociales, en mars 2021, en faveur de cette proposition de loi. Je confirme que nous la voterons, aujourd'hui encore, avec beaucoup de détermination.

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